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JAHAN PIERRE (1909-2003)

Dans Objectif, l'autobiographie qu'il publie en 1994, le photographe Pierre Jahan raconte comment, tout en s'imprégnant des courants artistiques de son temps, il sut au cours de sa carrière préserver l'originalité de ses inspirations. Les bonnes influences se manifestent dès son enfance à Amboise (Indre-et-Loire), où il est né le 9 septembre 1909. Ses parents encouragent son goût pour le dessin et il commence à photographier dès l'âge de six ans. Ce loisir, qui le conduit à participer à des expositions d'amateurs, l'emporte sur une timide vocation littéraire. Un an après sa rencontre, en 1932, avec Emmanuel Sougez – le fondateur du service photo de L'Illustration, déjà reconnu comme un des maîtres de la nature morte –, Jahan s'installe à Paris et entre à l'atelier typographique et publicitaire Raymond Gid. En 1934, année de son mariage, il entreprend avec la revue Plaisir de France une collaboration qui durera quarante ans.

Intéressé par la production des photographes étrangers que la situation politique en Allemagne contraint à se réfugier à Paris, attentif à la Nouvelle Vision qui s'affranchit radicalement de la peinture, Jahan s'essaie à tous les genres et participe, en 1936, à la création du groupe Rectangle par Sougez. Son premier grand reportage, sur l'Exposition universelle de 1937, paraît dans L'Illustration. Ses natures mortes, où l'influence de Sougez se mêle à celle des collages surréalistes, sont remarquées par le directeur de la publicité du grand magasin des Trois Quartiers, qui lui confie la réalisation de son catalogue.

La guerre n'interrompt pas son activité : Jahan reste l'illustrateur de Plaisir de France (momentanément rebaptisé Images de France). Dans le même temps, il réalise clandestinement des reportages sur l'Occupation, et notamment sur l'enlèvement et le stockage des sculptures métalliques de Paris, que les Allemands destinent à la refonte. Les images de statues mutilées, victimes en contrejour, inspireront un texte à Jean Cocteau, dont Jahan fera le portrait à la Libération, à la faveur d'une commande du ministère de l'Information. L'écrivain accepte en 1947 le projet que lui propose Jahan d'illustrer son poème d'amour Plain-Chant par les photographies en clair-obscur des étreintes d'un jeune couple. Douze images originales et leurs quatrains seront publiés en 1986 à Paris par la galerie Michèle Chomette, sous forme d'un portfolio en édition limitée.

Des budgets publicitaires aussi prestigieux que ceux du parfumeur Robert Piguet, des cristalleries Daum, des sociétés Renault et Citroën permettent au photographe de sauvegarder sa liberté de créateur. Sous le pseudonyme de La Noiraie, il mène en parallèle une activité de peintre qu'il associera plus tard au collage photographique. À la fin des années 1960, avec l'arrivée dans les agences de directeurs artistiques qui imposent leurs vues aux photographes, Jahan abandonne la publicité pour se tourner vers le reportage industriel, où son goût pour le noir et blanc, les lignes pures, la composition, trouve un fécond domaine d'expression.

Reconnu dans le monde de l'art comme dans ceux de la presse et de l'édition, Pierre Jahan n'était pourtant pas célèbre. Auteur indépendant et discret, il s'impliqua très tôt dans la lutte pour la défense des droits des photographes. Après avoir rejoint en 1950 le Groupe des XV, il crée en 1952 l'association des Photographes publicitaires, et restera fidèle à l'Union des photographes créateurs jusqu'à sa mort, survenue à Paris le 21 février 2003.

— Hervé LE GOFF

Bibliographie

A. Fleig, Pierre Jahan. Des mains parlent, Ides et Calendes, Neuchâtel, 2002

P. Jahan, La Mort et les statues, texte de Jean Cocteau, éd. du Compas, Paris, 1949 ; Objectif[...]

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Pour citer cet article

Hervé LE GOFF. JAHAN PIERRE (1909-2003) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SOUGEZ EMMANUEL (1889-1972)

    • Écrit par Armelle CANITROT
    • 658 mots

    Fils de vannier, Emmanuel Sougez naît à Bordeaux en 1889. Inscrit à quinze ans à l'école des Beaux-Arts de Bordeaux, il abandonne rapidement ses études pour se consacrer à la photographie et, de 1905 à 1914, voyage en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Photographe illustrateur à Paris dès 1919, il...