MONSIEUR TESTE, Paul Valéry Fiche de lecture
Composite, fragmentaire, énigmatique, Monsieur Teste a tout du livre culte : il ne donne pas seulement à lire une œuvre, ni même à méditer une pensée, mais bien à suivre une éthique, celle qui porte à négliger l'œuvre au profit de la vie, ou plus exactement à « faire de sa vie une œuvre d'art ». De là l'importance du livre pour les surréalistes, en particulier pour André Breton : « Je pensais qu'en Valéry, M. Teste avait à jamais pris le pas sur le poète, et même sur l'„amateur de poèmes“, comme il s'était plu naguère à se définir. À mes yeux, il bénéficiait par là du prestige inhérent à un mythe qu'on a pu voir se constituer autour de Rimbaud – celui de l'homme tournant le dos, un beau jour, à son œuvre, comme si certains sommets atteints, elle „repoussait“ en quelque sorte son créateur » (A. Breton, Entretiens avec A. Parinaud).
Monsieur Valéry et le « cycle Teste »
Jeune poète symboliste prometteur, mais troublé par la lecture de Mallarmé et de Rimbaud, ainsi que par la découverte des nouvelles sciences et des mathématiques, Paul Valéry (1871-1945) a traversé, en novembre 1892, une crise intellectuelle profonde qui trouve son origine dans la mythique « nuit de Gênes » (« je me sens Autre ce matin »). Il remet en cause une entreprise poétique dont il entrevoit soudain les limites. Cette crise a accouché de deux idées fondamentales : le « fonctionnement » de l'être intérieur, y compris dans ses manifestations les plus sensibles, obéit à des lois mathématisables et universalisables ; seule une dissociation du Moi d'avec lui-même peut permettre la distance, la maîtrise et la lucidité nécessaires à la compréhension de ces lois. Ainsi se constitue le « systèmeValéry » : « Après tout – JE suis un système terriblement simple, trouvé ou formé en 1892 – par irritation insupportable, qui a excité un moi No 2 à détacher de soi un moi premier – comme une meule trop centrifugée ou une masse nébuleuse en rotation » (Cahiers, 1932). Deux textes brefs, L'Introduction à la méthode de Léonard de Vinci (1895) et La Soirée avec Monsieur Teste (1896), deux portraits intellectuels à la fois opposés et complémentaires – l'un d'un créateur bien réel, l'autre d'un « non-créateur » imaginaire – naîtront de cette réflexion, suivis d'une méditation silencieuse de vingt années, que viendra interrompre, en 1917, la publication de La Jeune Parque.
L'ouvrage que nous lisons aujourd'hui sous le titre de Monsieur Teste est un recueil de textes écrits par Valéry à différentes périodes de sa vie. Le premier – et le plus important –, La Soirée avec Monsieur Teste, a paru dans la revue Le Centaure, en 1896. En 1926, est publié un volume qui comprend, outre La Soirée, la Lettre de Madame Émilie Teste, la Lettre d'un ami, ainsi que les Extraits du log-book de Monsieur Teste, précédés d'une Préface. Enfin, en 1946, soit l'année qui suit la mort de l'auteur, une nouvelle édition ajoute cinq textes nouveaux : La Promenade avec Monsieur Teste ;Dialogue, ou Nouveau Fragment relatif à Monsieur Teste ; Pour un portrait de Monsieur Teste ; Quelques Pensées de Monsieur Teste ; et Fin de Monsieur Teste. Il s'agit de notes et d'esquisses que l'auteur avait réunies peu avant sa mort.
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Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
Classification
Média
Autres références
-
VALÉRY PAUL (1871-1945)
- Écrit par Michel JARRETY
- 7 554 mots
- 1 média
Un an après l'Introduction, La Soirée avec Monsieur Teste déplace les perspectives par le passage de l'imagination à l'abstraction, et de la création réelle à ses pures virtualités. Parue en 1896 dans la revue Le Centaure, elle ménage l'entrée d'un personnage qui ne cessera de...