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MES FORÊTS (H. Dorion) Fiche de lecture

Publié en 2021 aux éditions Bruno Doucey, Mes Forêts constitue le dix-neuvième recueil de poésie d’Hélène Dorion. Lauréate de nombreux prix littéraires – dont le prestigieux prix du gouverneur général du Canada, en 2006, pour son recueil Ravir : les lieux, et le prix Athanase-David, pour l’ensemble de son œuvre, en 2019 –, l’écrivaine québécoise, née le 21 avril 1958 à Québec, est considérée comme l’une des figures majeures de la scène poétique francophone. Dans ce recueil dédié aux forêts, la poétesse n’en propose pas moins une réflexion sur la place de l’humain, évoquant les défis du xxie siècle.

La structure cyclique du recueil

Mes Forêts se compose de quatre mouvements dont chacun porte un titre précis : « L’écorce incertaine », « Une chute de galets », « L’onde du chaos » et « Le bruissement du temps ». Chacun de ces mouvements est précédé d’une forme de prologue, construit sur un même modèle à partir de la reprise anaphorique du titre du recueil, « Mes forêts ». Un poème épilogue, reprenant lui aussi cet intitulé, vient clore le recueil. Également, une citation en exergue, extraite de l’œuvre de poétesses telles que Silvia Baron Supervielle ou Kathleen Raine, ouvre chacun de ces mouvements. Structurellement, on peut donc observer une forme de scansion cyclique d’un mouvement à l’autre. Cependant, cette apparente circularité semble entrer en tension avec la progression dramatique et thématique du propos, au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture, en contrepoint de la présence rassurante de « mes forêts ». Dans le dernier mouvement du recueil (« Le bruissement du temps »), par exemple, on distingue trois temps – « Avant l’aube », « Avant l’horizon » et « Avant la nuit » –, qui invitent à repenser l’histoire du monde « avant » qu’il ne soit colonisé et dégradé par l’être humain.

Hélène Dorion - crédits : Maxyme G. Delisle

Hélène Dorion

Hélène Dorion, qui a fait le choix d’éliminer toute marque de ponctuation, s’astreint par ailleurs à varier les formes, passant du vers le plus court, le tétrasyllabe, comme dans le poème « L’écorce », extrait du premier mouvement (« Un bruit de scie/brouille le silence »), à des vers plus amples, du décasyllabe à l’alexandrin (« mes forêts sont des greniers peuplés de fantômes », dans le prologue du recueil). Fidèle à une intention poétique constante depuis ses débuts, sa poésie tire sa musicalité du rythme de son phrasé et non du recours à la rime, qui demeure très aléatoire. En revanche, l’écrivaine accorde une singulière importance aux blancs de la page qui s’intercalent entre les mots :

Entre mes doigts

le nom de l’arbre le nom de la chair

ce peu d’écorce qu’est ma vie

(« L’onde du chaos »)

Si Hélène Dorion propose à son lecteur une œuvre très travaillée dans sa composition, elle refuse toutefois de faire de sa poésie un temple dont l’entrée ne serait accessible qu’à des initiés. Son goût pour l’écriture poétique lui est venu au moment où elle préparait son diplôme de premier cycle universitaire en philosophie. Or, autant elle a été séduite par l’ouverture au monde que permet cette discipline, autant elle s’en est éloignée du fait de son langage trop conceptuel. Il lui est alors apparu essentiel de revenir aux « mots de la tribu », selon l’expression de Mallarmé, en tant que matière organique et malléable. De fait, la poésie d’Hélène Dorion use de mots simples, compréhensibles par tous, comme si elle avait souhaité se faire « rapailleuse », pour reprendre le titre du recueil de Gaston Miron – figure tutélaire de la poésie québécoise –, L’Homme rapaillé(1970), qui évoque l’idée de rassemblement d’objets épars. Ici, le terme renvoie à tout ce que la mémoire sensible a pu préserver.

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Écrit par

  • : maître de conférences, habilité à diriger des recherches, formateur agrégé de lettres à l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation, Sorbonne université

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Pour citer cet article

Antony SORON. MES FORÊTS (H. Dorion) - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Hélène Dorion - crédits : Maxyme G. Delisle

Hélène Dorion

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