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DONSKOÏ MARK SEMENOVITCH (1901-1981)

L'un des plus originaux parmi les cinéastes soviétiques est né à Odessa, où son père était ouvrier (la date exacte de sa naissance est inconnue à une ou deux années près). En 1917, la révolution lui « permet de faire des études », comme il le dira plus tard. Après deux années de médecine pendant lesquelles il songe à devenir psychiatre, il opte pour la littérature tout en cultivant le piano et la composition musicale. Joueur de football, il restera longtemps dirigeant de la Fédération soviétique de ce sport. D'une de ses nouvelles, il tire en 1925 un scénario qu'il porte, à Moscou, à Viktor Chlovski. Celui-ci l'introduit auprès d'Eisenstein, dont il devient l'élève et, bientôt, l'assistant.

À partir de 1927, il réalise quelques films muets, aujourd'hui perdus, et, en 1934, son premier vrai film : Le Chant du bonheur. Sa grande admiration est, à l'époque, Gorki ; il rencontre le vieil écrivain, qui lui objecte : « Il n'est pas bon de dresser des monuments à un vivant. » Toutefois, Donskoï s'attelle à la réalisation de sa « trilogie » adaptée de Gorki : L'Enfance de Gorki (1938), En gagnant mon pain (1939), Mes Universités (1940). Le succès est immense : prix Staline en 1941 ; Donskoï achève Les Romantiques alors que les troupes hitlériennes approchent de Moscou : par miracle, cinq copies mutilées de ce film (1 700 sur 2 900 mètres) seront sauvées. Replié en Turkménie, Donskoï y dirige Et l'acier fut trempé (1941) puis Arc-en-ciel (1943). Le premier de ces films est un remarquable exemple de propagande patriotique transfigurée en ballets presque abstraits de combattants ; le second, dont le sujet convient mieux au tempérament romantique du cinéaste, exalte la résistance à l'occupant avec autant de poésie que d'intensité dramatique.

En 1945, Donskoï adhère au Parti communiste. Titulaire de deux autres prix Staline, fêté à Venise, il voit La Loi de la grande terre (1948) brutalement interrompu par ordre du dictateur. Il est déplacé d'office de Moscou à Kiev, où il ne mettra en scène qu'un documentaire, jusqu'en 1954.

Il réalise alors un vieux projet, La Mère, (1956) d'après Gorki, puis Le Cheval qui pleure (1958), sans doute son chef-d'œuvre (et son premier film en couleurs). En 1958, il est le délégué du cinéma soviétique à l'Exposition internationale de Bruxelles, et renoue avec l'Occident des contacts jusqu'alors épistolaires et fragmentaires. Il réalisera encore Thomas Gordeiev (1959) qui, sans égaler Le Cheval qui pleure, en conserve la force essentielle, Bonjour les enfants (1962) et Le Cœur d'une mère (1965), présenté hors concours à Cannes l'année suivante, émouvant premier volet d'un diptyque consacré à la mère de Lénine, dont apparemment la seconde partie n'a jamais été réalisée.

Beaucoup moins théoricien que les « grands » du cinéma soviétique, suspect au pouvoir à plus d'un titre (il est d'origine juive), Donskoï a su mêler dans son œuvre la tendresse et la colère, l'émotion et le sérieux, en évitant toujours le prêche didactique et les sentiments plaqués. Si certaines parties de la trilogie ont vieilli, d'autres annoncent plastiquement les réussites de la guerre et de l'après-guerre (auxquelles il faut ajouter Varvara, 1946). À la fois chantre de la nature et interprète des combats des hommes, Donskoï use parfois des comparaisons eisensteiniennes, mais il sacrifie les effets de montage au mouvement « spontané » de sa caméra : sa calligraphie — ainsi qu'une excellente direction d'interprètes — est le reflet d'un amour panthéiste de la vie, perçue selon l'expression d'un de ses personnages, comme « une suite de tourbillons » jamais gratuits, jamais non plus réduits par le réalisme.[...]

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Pour citer cet article

Gérard LEGRAND. DONSKOÏ MARK SEMENOVITCH (1901-1981) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    ...de production de films pour enfants va permettre à deux cinéastes de se révéler. D'abord Legotchine, avec Au loin une voile (1937). Mais surtout Mark Donskoï, avec la célèbre trilogie des mémoires de Gorki : Enfance, En gagnant mon pain, Mes Universités (1938-1940), qui ont fait les beaux soirs...

Voir aussi