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GIACOMELLI MARIO (1925-2000)

Né le 1er août 1925 à Senigallia en Italie, un petit village de la riviera des Marches qu'il n'a jamais voulu quitter, Mario Giacomelli a été marqué par la mort de son père en 1934, et par la vie laborieuse de sa mère qui, pour élever ses trois enfants, devint blanchisseuse dans un hospice. Dès 1938, Giacomelli révèle de grandes dispositions pour la peinture, la littérature, la musique. Dans ses moments de loisirs, il s'adonne, en autodidacte, à de grandes compositions abstraites et à l'écriture de poèmes. Il acquiert, en 1952, après un très grave accident d'automobile, un appareil photographique qu'il « bricole » à sa façon. Il perçoit immédiatement l'affinité élective qui lie la vision du photographe à celle du peintre : « Je m'aperçus dès la première pellicule que le moyen technique ne compte pas. J'arrivais même à lui faire faire ce que je voulais. J'ai photographié l'eau au bord de la mer en pensant pouvoir rendre son mouvement, comme avec des coups de pinceau, et comme l'appareil n'offre aucune possibilité de représenter le mouvement, j'ai bougé l'appareil, et la mer fut agitée. J'exprimais cela comme avec le pinceau. » Munch, Picasso, Klee, Burri, Tapiès, Fontana et Sutherland, Morandi et, plus tard, les Américains, de Robert Rauschenberg à Barnett Newmann, seront ses références. Son laboratoire est taillé dans un lavoir de pierre et il choisit d'impressionner ses premières photographies sur un papier contrasté : « Le blanc, c'est le néant, et le noir, ce sont les cicatrices », déclare-t-il.

Giacomelli ne pratique la photographie que le samedi et le dimanche : un rite auquel il ne renoncera jamais. En 1954, il fait la connaissance de Giuseppe Cavalli, engagé dans les milieux de la photographie d'amateur, et fondateur, en 1947, du groupe La Bussola, un mouvement au service d'une photographie de création très éloignée du photo-reportage, tournée vers de pures recherches formelles, nourries par les thèses « du sentiment lyrique » d'un Benedetto Croce, pour qui en peinture, comme en photographie « le fait esthétique est [...] forme, rien d'autre que forme ».

<em>Je n’ai pas de main qui me caresse le visag</em><it>e</it>, M. Giacomelli - crédits : BnF - Département des Estampes et de la photographie © Archivio Mario Giacomelli - Simone Giacomelli

Je n’ai pas de main qui me caresse le visage, M. Giacomelli

Giacomelli a photographié, avec prédilection, l'être humain dans son milieu, la nature morte, le paysage, transfigurés jusqu'à saturation par les noirs et les blancs, la dramatisation des contrastes, des découpes et des syncopes. « Narrateur de la terre », « Narrateur de la vieillesse et de la mort », Mario Giacomelli traite chacun des thèmes choisis en longs cycles, enrichis sur plusieurs années, qui se développent comme de grands récits spéculaires : Paysages (1954) et Vie d'hospice (1955-1968) – auquel il donnera un autre titre, en l'empruntant au recueil de Cesare Pavese La Mort viendra qui aura tes yeux – explorent les sillons géométriques, tracés par la charrue, et les visages de vieillards, lacérés par le temps comme par autant de blessures.

En 1959, Giacomelli rencontre Luigi Crocenzi, créateur en 1954, du C.C.F. (Centro culturale per la fotografia), non loin de Senigallia. Celui-ci était le porte-parole de l'image vérité et du mouvement néo-réaliste en photographie. Sous cette influence, Mario Giacomelli poursuit d'autres séries : Nus (1956-1960), les paralytiques en pèlerinage à Lourdes (1957), Scanno, petit village des Abruzzes (1957), la vie des séminaristes de Senigallia, suite intitulée Je n'ai pas de mains qui me caressent le visage (1961-1963), La Buona Terra, sur une famille de paysans (1964). La vie des séminaristes est présentée à la Photokina de Cologne, en 1963, et John Szarkowsky, directeur du département de la photographie au musée d'Art moderne de New York, acquiert les photographies de Scanno pour la collection des Maîtres de la photographie internationale. À la même époque, la George[...]

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Écrit par

  • : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France

Classification

Pour citer cet article

Elvire PEREGO. GIACOMELLI MARIO (1925-2000) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>Je n’ai pas de main qui me caresse le visag</em><it>e</it>, M. Giacomelli - crédits : BnF - Département des Estampes et de la photographie © Archivio Mario Giacomelli - Simone Giacomelli

Je n’ai pas de main qui me caresse le visage, M. Giacomelli

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par Hervé LE GOFF, Jean-Claude LEMAGNY
    • 10 750 mots
    • 21 médias
    ...David Hurn, épinglant la fatuité de la high society, l'Allemand Jürgen Heinemann montrant la tristesse des tropiques rejoignent dans ce registre l'Italien Mario Giacomelli et sa série sur les Gitans (1975). Le Français d'origine tchèque Joseph Koudelka et le Lituanien Aleksandras Macijauskas...

Voir aussi