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DARRIEUSSECQ MARIE (1969- )

Marie Darrieusecq - crédits : H. Bamberger/ P.O.L.

Marie Darrieusecq

« À quoi sert un livre qui ne propose pas de voir le monde comme s'il se dévoilait pour la première fois ? », affirme Marie Darrieussecq. Son œuvre singulière et novatrice mérite que l'on ne s'arrête pas aux polémiques qui ont marqué sa carrière littéraire.

Née le 3 janvier 1969 à Bayonne, elle grandit dans un village du Pays basque. Sa mère, professeur de français, et son père, technicien, lui transmettent leur goût pour la lecture. Elle commence à écrire très tôt, et conduit en parallèle des études de lettres : elle sera normalienne, agrégée et docteur.

En 1996, elle publie Truismes chez P.O.L., qui reste l'éditeur de ses principaux ouvrages. Une jeune femme naïve, exploitée sexuellement et économiquement, se métamorphose en truie et se libère des clichés pour inventer sa voix : « Ce livre a été très mal lu. C'est l'histoire d'une libération par la pensée » affirme l'auteur. Cette fable du devenir-truie suscite, en raison de son message volontairement indécidable, des réactions extrêmes qui vont de l'encensement à la condamnation. Le livre connaît cependant un succès spectaculaire et se vend à 300 000 exemplaires.

La parution de son deuxième roman, Naissance des fantômes (1998), suscite, peut-être en réaction à ce succès trop rapide, une première polémique : la romancière Marie NDiaye l'accuse de « singer » son œuvre. En 2007, cette fois à propos de Tom est mort, Camille Laurens l'accusera de « plagiat psychique ». Plus touchée par ces tentatives de meurtre symbolique qu'elle ne l'avoue, la romancière publiera en 2010 un essai sur ce qu'elle nomme la « plagiomnie » : Rapport de police.

« Écrire, c'est donner voix aux fantômes »

Le livre Naissance des fantômes évoque une métamorphose très différente de celle que décrivait Truismes. L'angoisse d'une femme dont le mari a disparu s'y traduit de manière physique et cénesthésique : autour d'elle le monde semble perdre toute solidité et devenir liquide. Le Mal de mer (1999) adopte, en contre-champ, le point de vue de la disparue : une femme en fuite avec sa fille s'installe en bord de mer, espace onirique entre deux mondes, fait d'échanges constants entre solide et liquide.

Bref séjour chez les vivants (2001) explore de manière plus novatrice encore le fonctionnement de la conscience, en donnant une traduction stylistique au désordre qui règne dans le cerveau : plongé dans les flux de conscience mêlés d'une famille unie par le deuil d'un enfant, le lecteur circule à travers les pensées, les mémoires, les corps traversés de sensations, et partage jusqu'aux palpitations d'une conscience globale flottant à la surface du monde. Histoire d'amour exilée dans une base scientifique au Pôle Sud, White (2003) est un poème monochrome où la narration est en partie prise en charge par un « nous » collectif qui est celui des fantômes, des conventions et de la névrose.

Marie Darrieusecq est devenue psychanalyste en 2006. Elle a eu deux enfants et a choisi de mener sa vie un peu à l'écart du milieu littéraire parisien. Après des textes davantage tournés vers l'autofiction – Le Bébé (2002) et son pendant obscur Tom est mort, ou encore Le Pays (2005), retour aux sources d'un Pays basque qui, dans le livre, est devenu indépendant –, Clèves (2011) renoue avec les controverses de Truismes. C'est aussi l'histoire de la métamorphose d'un corps : une petite fille devient femme. Manquant de mots pour penser cette mutation, elle se débat avec les clichés et les bribes de vocabulaire glanées au hasard, en trois chapitres intitulés avec humour : « Les avoir », « Le faire », « Le refaire ». Marie Darrieusecq a utilisé son journal intime d'adolescente pour se mettre dans la peau de cette princesse contemporaine qui, au même âge que l'héroïne[...]

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Écrit par

  • : agrégée de lettres, docteure ès lettres, conservatrice à la Bibliothèque nationale de France

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Pour citer cet article

Christine GENIN. DARRIEUSSECQ MARIE (1969- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Marie Darrieusecq - crédits : H. Bamberger/ P.O.L.

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