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SAVONNERIE MANUFACTURE DE LA

Au début du xviie siècle, Pierre Dupont (lequel prétendait avoir inventé la technique des tapis veloutés de haute laine — alors qu'elle existait bien avant lui), obtint d'Henri IV le privilège d'établir un atelier de tapis « façon du Levant et façon de Turquie » sous la Grande Galerie du Louvre. Il s'associa en 1626 avec un de ses anciens élèves, Simon Lourdet, qui s'était installé dans une ancienne manufacture de savon située près de la colline de Chaillot (à l'emplacement de l'actuel musée d'Art moderne). Des privilèges leur furent accordés dès 1627 pour dix-huit années. Peu d'ouvrages subsistent des débuts de la Savonnerie ; les tapis sont généralement décorés de fleurs stylisées se détachant sur des fonds sombres.

En 1663, Colbert place la manufacture sous l'autorité royale, et Le Brun est chargé de sa direction. C'est à ce moment que sortent des métiers de prodigieux ensembles comme les treize tapis de la galerie d'Apollon au Louvre (un en place) et surtout les quatre-vingt-treize tapis de la Grande Galerie du même palais pour le tissage desquels vingt années furent nécessaires à partir de 1668. De nombreux exemples subsistent, dont plusieurs qui sont conservés à Versailles et au Louvre. De grandes dimensions (environ 9 m sur 4 m ou 4,50 m), les tapis sont toujours rectangulaires et reproduisent parfois les voussures d'un plafond avec un motif central composé de grands rinceaux et de feuilles d'acanthe et, aux extrémités, des paysages ou des bas-reliefs dans des médaillons. Les angles sont occupés par des cornes d'abondance, des palmes ou des trophées. On retrouve partout le chiffre et les emblèmes du roi. Cette série magnifique, qui est la grande œuvre du siècle, témoigne d'une extraordinaire richesse d'invention.

La manufacture fournissait exclusivement le roi pour ses dons aux souverains étrangers et pour l'ameublement de ses châteaux ; cela explique l'ouverture de fabriques de tapis, notamment à Aubusson, qui recevaient les commandes des particuliers et qui imitaient les ouvrages de la Savonnerie dont les cartons étaient réalisés par les peintres des Gobelins.

Carton pour un tapis - crédits :  Bridgeman Images

Carton pour un tapis

À la fin du xviie siècle, contrairement aux Gobelins, la Savonnerie ne ferme pas ses portes, mais beaucoup de métiers restent inactifs. Il faut attendre 1712 pour que le nouveau directeur, Robert de Cotte, entreprenne un vaste programme de commandes pour la chapelle du château de Versailles. L'élan était donné et, pendant tout le règne de Louis XV, la Savonnerie fournira de nombreux tapis pour les résidences royales (quatre-vingt-six tapis furent tissés pour Versailles entre 1710 et 1772). Moins pompeux que les tapis du siècle précédent, ils relèvent d'un style plus aimable : leurs fonds sont parfois plus clairs, ils sont ornés de coquilles au centre et portent dans les angles le chiffre du roi et les fleurs de lis (tapis de la chambre de Marie Leszczyńska à Versailles, château de Versailles). Un répertoire plus allégé et inspiré de l'Antiquité apparaît sous Louis XVI, mais seulement à la fin du règne ; on y retrouve les cassolettes, les aigles et les perles propres au décor néo-classique (tapis du boudoir turc de Marie-Antoinette à Fontainebleau, musée du Louvre). Pendant tout le xviiie siècle, la manufacture livra également des garnitures de meubles et de somptueux paravents (quelques exemplaires à Versailles). Ruinée par la Révolution, la Savonnerie devait renaître sous l'Empire grâce aux nombreuses commandes de Napoléon. Le génie du plus grand créateur de l'époque, Saint-Ange, devait lui permettre de se maintenir à un haut niveau pendant toute la première moitié du xixe siècle. Les tapis impériaux, généralement de très grandes dimensions, portent des emblèmes guerriers, casques, épées, faisceaux de licteurs (tapis offert[...]

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Pour citer cet article

Bernard CHEVALLIER. SAVONNERIE MANUFACTURE DE LA [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Carton pour un tapis - crédits :  Bridgeman Images

Carton pour un tapis

Autres références

  • COLBERTISME

    • Écrit par Jean IMBERT
    • 4 814 mots
    ...les capitaux sont fournis uniquement par le roi : les manufactures sont alors propriété de l'État, assez peu nombreuses à la vérité (les Gobelins, la Savonnerie, des ateliers militaires ou des manufactures d'armes comme Saint-Étienne). Dans la plupart des cas, le roi ou une collectivité publique finance...
  • TAPIS

    • Écrit par Dora HEINZ
    • 3 046 mots
    • 2 médias
    La France au contraire voit naître à partir du xviie siècle un style spécifique que l'on regroupe sous le nom de « savonneries » (d'après une manufacture située dans l'hospice de la Savonnerie). Adaptés comme ils le sont à la décoration lourde, en partie sculptée, des parois et des plafonds, ils...

Voir aussi