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BOYER LUCIENNE (1901-1983)

Rien ne disposait la petite Émilienne-Henriette Boyer, Parisienne de Montparnasse, à faire carrière dans le chant. Issue d'un milieu très modeste, elle découvre avec émerveillement le monde de l'illusion à la faveur d'une matinée au Casino de Paris, où sa mère l'emmène voir Gaby Deslys dans la revue Laisse-les tomber, en 1917. Désormais, la jeune fille n'a plus qu'une idée en tête : pénétrer dans cet univers de rêve.

Son lot quotidien, c'est le travail en usine, puis la sténographie, emploi qu'elle n'occupe que deux mois au théâtre de l'Athénée. Car cette ravissante brune aux yeux bleus obtient vite un rôle de figuration dans l'opérette de Claude Terrasse, La Petite Femme de Loth. Émilienne-Henriette devient Lucienne (par admiration, semble-t-il, pour le chansonnier Lucien-Boyer) ; elle étudie la comédie, le chant et la danse, tout en travaillant comme modiste pour payer ses cours. Elle pose également pour Jean-Gabriel Domergue et Foujita, et paraît à la Cigale, à l'Eldorado et au théâtre Michel, dans des seconds rôles de comédie ou de revue.

C'est au Concert Mayol, où elle joue des sketches, que l'imprésario américain Lee Shubert la remarque. Il lui fait faire ses débuts dans la chanson chez Fyscher (1926), un cabaret chic de la rue d'Antin où Arletty, Yvonne George, Lys Gauty et Marie Dubas ont fait leurs classes. Lucienne Boyer connaît un succès immédiat et désormais elle se consacrera à la chanson. Après sept mois sur une scène de Broadway, elle reçoit un accueil triomphal du public parisien, qui, en 1927, l'acclame à l'Olympia et à l'Empire.

Pendant des années, Lucienne Boyer va poursuivre sa carrière au music-hall, donnant un récital salle Pleyel (1933), créant une opérette de Jean de Létraz, La Belle Saison (1937), avec Jacques Pills (son second mari), et se produisant au cabaret. Elle anime elle-même plusieurs établissements (Les Borgia ; Monseigneur ; Chez les clochards ; Chez elle ; Chez Lucienne), où son répertoire intimiste fait merveille. «  J'aime le cabaret, disait-elle. On est tout près de son public, presque mêlé à lui, et l'on peut lire sur son visage tout ce qu'on veut lui faire éprouver. »

Outre Parlez-moi d'amour (une chanson de Jean Lenoir restée cinq ans sans interprète), qui lui vaut le premier Grand Prix du disque en 1930, on peut retenir, d'un répertoire voué à la chanson sentimentale, Les Prénoms effacés, Un amour comme le nôtre, Mon cœur est un violon et Si petite. Tout l'art de Lucienne Boyer consistait à transfigurer, à force d'émotion et de sincérité, des canevas d'un romanesque souvent trop facile. En l'écoutant détailler, d'une voix chaude, prête à se briser, l'éternelle complainte des amoureux déçus, le spectateur avait l'impression d'être le témoin privilégié d'une confidence. Notons tout de même que Lucienne Boyer fut la créatrice d'une fort belle chanson de Charles Trenet : Que reste-t-il de nos amours ? La « dame en bleu » – un surnom que lui valurent ses robes de scène, assorties à la couleur de ses yeux – est une des rares interprètes françaises à avoir fait une carrière extrêmement brillante aux États-Unis. En 1976, Lucienne Boyer fêta ses cinquante ans de chanson sur la scène de l'Olympia. On peut regretter que le cinéma n'ait pas su préserver pour la postérité le souvenir de cette « dame de cœur » de la chanson française. Seul Guy Gilles, dans Clair de terre (1970), nous laisse une image de la créatrice de Parlez-moi d'amour.

— Robert de LAROCHE

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Robert de LAROCHE. BOYER LUCIENNE (1901-1983) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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