Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LOCUS SOLUS, Raymond Roussel Fiche de lecture

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par

On connaît l'expression forgée par André Breton pour désigner Raymond Roussel (1877-1933) dans son Anthologie de l'humour noir : « le plus grand magnétiseur des temps modernes ». De Desnos à Leiris, de Jean Ferry à Michel Foucault, l'œuvre de Roussel a été constamment scrutée par les esthétiques parfois les plus opposées. Aussi Patrick Besnier et Pierre Bazantay peuvent-ils écrire dans le numéro spécial de la revue Europe d'octobre 1988 : « Raymond Roussel est devenu la cible de toutes les assiduités. Quels qualificatifs lui aura-t-on épargnés ? Cubiste, dadaïste, surréaliste, pataphysicien, oulipien, néo-romancier. »

Publié en 1913, Locus solus est, avec les Impressions d'Afrique (1910), l'un des plus célèbres textes de Roussel. Lorsque Pierre Janet qui le soigna publia son essai de psychiatrie De l'angoisse à l'extase (1926-1927), c'est sous le prénom de Martial, le personnage principal de Locus solus, qu'il dissimula l'identité de son célèbre patient. Locus solus a d'abord paru sous le titre de Quelques Heures à Bougival dans Le Gaulois du dimanche (déc. 1913-mars 1914). Le volume fut mis en vente en janvier 1914 et suivi en décembre 1922 d'une adaptation au théâtre avec Pierre Frondaie qui, après celle des Impressions d'Afrique (1911), ne fut pas sans provoquer des remous dans le monde littéraire et artistique parisien. Breton, Aragon et Leiris assistaient à la première.

La science des apparitions

Un jeudi d'avril, le narrateur, accompagné de quelques amis, est convié à découvrir la propriété du savant Martial Canterel à Montmorency. Cette visite qui se prolongera jusqu'à la tombée de la nuit va être consacrée à l'immense parc de la villa. Là, Canterel a aménagé des dispositifs complexes et énigmatiques qui participent autant du poétique que du scientifique. Tour à tour apparaîtront aux yeux des visiteurs une statue en terre, « le Fédéral à semen-contra vu au cœur de Tombouctou par Ibn Batouta » ; une hie suspendue à un ballon, sorte d'instrument de pavage composant des mosaïques de dents humaines et dont la singularité est de se mouvoir grâce aux efforts « combinés du soleil et du vent » ; un diamant gigantesque contenant un liquide, « l'aqua-micans », eau scintillante permettant aux êtres vivants de respirer et douée de pouvoirs électriques capables de stimuler les tissus humains, notamment la tête de Danton, qui livre encore quelques bribes de discours. Mais la plus importante partie de Locus solus est consacrée à une « haute cage de verre géante », une glacière monumentale digne des machines des expositions universelles, où les visiteurs vont assister à des scènes énigmatiques se déroulant dans des décors juxtaposés. Elles gravitent toutes autour de la possibilité que Canterel a mise en œuvre de conserver des cadavres grâce au froid, et de leur « redonner vie » à volonté en combinant deux de ses inventions : le « vitalium » et la « résurrectine ». « Par un curieux éveil de la mémoire, écrit Roussel, [chaque disparu] reproduisait, avec une stricte exactitude, les moindres mouvements accompagnés par lui durant telles minutes marquantes de son existence. » Plus loin, un fou répétera de façon compulsionnelle son traumatisme, tandis qu'une sibylle pratiquera la divination.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Didier WAGNEUR. LOCUS SOLUS, Raymond Roussel - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ROUSSEL RAYMOND (1877-1933)

    • Écrit par
    • 2 778 mots
    Publié en 1913, Locus solus raconte la visite du parc appartenant au savant Martial Canterel, empli de curiosités : monstres inattendus, objets déplacés, machines insolites. Plus encore que celles d 'Impressions d'Afrique, ces attractions sont funèbres et morbides : on voit au chapitre...