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LES CONTEMPLATIONS (V. Hugo) Fiche de lecture

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De l'opposant politique au mage romantique

Les Contemplations reflètent aussi les préoccupations politiques de Hugo homme d'action. Pair de France depuis 1843, maire du VIIIe arrondissement de Paris, député à la Constituante en 1848, il soutient Louis-Napoléon Bonaparte avant de devenir son plus farouche opposant, et de s'exiler en Belgique puis en Angleterre jusqu'à la chute du second Empire en 1870. En témoigne le magistral poème « Écrit en 1846 » (livre V, 3) dans lequel Hugo explique son évolution. L'action politique se prolonge à travers la question sociale : à l'époque où il achève « Melancholia » (livre III, 2), Hugo écrit Les Misérables, et le poème devient dénonciation de l'intolérable travail des enfants : « Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;/ Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement/ Dans la même prison le même mouvement » (« Écrit sur un exemplaire de la Divina Commedia »).

Sa vie intime fournit également, avec la mort tragique de Léopoldine, l'inspiration de nombreux poèmes, évocations de scènes familières : « Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin/ De venir dans ma chambre un peu chaque matin » (« Pauca meae », V)

La méditation philosophique sur la mort, enfin, tient une place centrale dans le recueil, récit du deuil. Si Hugo reprend, dans « Mors » (livre IV, 16), l'image classique de la faucheuse, il la transforme par la pensée consolante d'une âme recueillie par un ange souriant. Les Contemplations exaltent également la tâche surhumaine, mais revendiquée, du poète parmi les hommes. Déçu dans ses ambitions politiques, Hugo se veut le porte-parole de l'humanité entière ; exilé, il se confie à Dieu ; désespéré, il peint la souffrance et laisse espérer une contemplation future.

Le poète devient le « mage », celui « qui marche devant tous, éclairant ceux qui doutent », celui qui en écoutant « ce que dit la bouche d'ombre » accède à une réalité interdite aux hommes : « Sache que tout connaît sa loi, son but, sa route ;/ Que, de l'astre au ciron, l'immensité s'écoute ;/ Que tout a conscience en la création ;/ Et l'oreille pourrait avoir sa vision,/ Car les choses et l'être ont un grand dialogue. »

Les Contemplations peuvent alors exalter la grandeur cosmique de la nature, immense, sauvage, qui offre à l'âme désolée une consolation, sous toutes ses formes, « Arbres religieux, chênes, mousses, forêt » (« Les Luttes et les rêves », XXIV). La poésie devient religion universelle, hymne à la fraternité d'une destinée commune : « Nul de nous n'a l'honneur d'avoir une vie qui soit à lui. Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis » (Préface). Car le projet hugolien est bien d'embrasser tous les aspects de la vie, naissance et mort, joies et peines, luttes et douleurs, dans une continuité qui va de la joie de la jeunesse à l'espérance après le deuil, selon un parcours menant d'« Autrefois » à « Aujourd'hui ». C'est là le cheminement indiqué par les deux volumes, que sépare le deuil : « Un abîme les sépare, le tombeau » (Préface aux Contemplations).

— Jean-François PÉPIN

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Écrit par

  • : agrégé d'histoire, docteur ès lettres, professeur au lycée Jean-Monnet, Franconville

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Pour citer cet article

Jean-François PÉPIN. LES CONTEMPLATIONS (V. Hugo) - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Victor Hugo à Guernesey en 1870 - crédits : Andre/ Henry Guttmann Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

Victor Hugo à Guernesey en 1870