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LE MAGICIEN (C. Tóibín) Fiche de lecture

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Frères ennemis

Mais dans le livre de Tóibín, le grand rival est ailleurs. C’est Heinrich, le frère aîné de Thomas, qui se lance plus tôt que lui en littérature et se fait vite un nom. Tóibín parle d’« années de fiel » entre les deux frères, jusqu’à ce que le succès des Buddenbrook, publié en 1901, alors que Thomas n’a que vingt-trois ans, atténue le ressentiment de ce dernier envers son frère. Mais il restera toujours une faille entre les deux hommes, l’envie et la jalousie s’inversant au fil des années, quand Heinrich constate que la célébrité de son frère cadet ne cesse de grandir, jusqu’à l’obtention du prix Nobel en 1929. Plus anecdotique que l’ouvrage de Hans Mayer consacré à la vie et l’œuvre de cet écrivain (Thomas Mann, PUF, 1994), le livre aborde seulement la genèse des œuvres majeures de Thomas Mann telles que La Mort à Venise (1912), La Montagne magique (1924), Le Docteur Faustus (1947), et souligne leur impact sur la vie sociale et personnelle de l’écrivain que l’on suit jusqu’à son installation en Suisse en 1952, où il mourra trois ans plus tard.

Thomas Mann n’est pas seulement un écrivain à succès, c’est aussi un homme riche, parfaitement à l’aise dans la turbulente et effervescente Munich devenue sa patrie de cœur, soucieux de bien gérer sa fortune, un homme qui se fait construire de belles demeures à chaque étape de sa vie. Quand il devra s’exiler pour fuir le nazisme, ce sera la splendide villa de Pacific Palisades en Californie, où la famille va conduire à partir de 1942 une vie qui n’a rien de commun avec celle de la plupart des émigrés, ce qui lui vaudra la détestation de Bertolt Brecht. L’un des intérêts majeurs de cet ouvrage est de faire constamment le lien entre l’homme privé et l’homme de lettres, sans oublier l’homme public dont les prises de position politiques en temps de guerre étaient très attendues et qui fut même pressenti pour devenir à son retour d’exil président de la République fédérale d’Allemagne. Les trois facettes de ce personnage que ses enfants appelaient « le magicien » ne cessent ici de renvoyer leurs reflets, dans un jeu d’ombre et de lumière qui donne à cette biographie la saveur d’un roman.

— Pierre DESHUSSES

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Pierre DESHUSSES. LE MAGICIEN (C. Tóibín) - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 22/12/2022