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LE GOÛT DE LA CERISE, film de Abbas Kiarostami

Palme d'or à Cannes en 1997, Le Goût de lacerise (Tam-e ghilas) est le premier film à recevoir le prix Federico Fellini de l'U.N.E.S.C.O. C'est la consécration, pour un cinéaste présent dans les salles européennes depuis une dizaine d'années, mais qui filmait depuis 1970. Avec Où est la maison de mon ami ? (Khane-ye doust kojast ?, 1987), tourné dans le Gilān, cette région durement éprouvée en 1990 par un tremblement de terre, il avait été perçu comme un héritier à peine exotique de la « modernité » du cinéma d'art européen, une sorte de Rossellini iranien. Close up (1990) avait permis de comprendre qu'il y a aussi, chez lui, un souci de structure qui le tire du côté d'une autre modernité, plus réflexive, héritière entre autres d'Orson Welles. De retour dans le Gilān, il réalise deux autres films : Et la vie continue (Zendegi Edamé Dârad, 1992) et Au travers des oliviers (Zir-e Darakhtan-é Zeyton, 1994), non prémédités, mais qui sont pourtant l'occasion d'innombrables jeux de reprises, de variations et de mises en abîme. Tout Kiarostami est là, saisir l'événement quand il survient, mais pour le faire aussitôt entrer dans un jeu d'agencements des plus calculés.

Mourir de ne pas mourir

Un homme (Badii), la quarantaine, l'air hagard, rôde au volant de son 4x4 dans une zone en construction des environs de Téhéran. Il aborde successivement un ouvrier kurde (qui le prend pour un homosexuel et le chasse), un autre ouvrier, immigré afghan, un taleb (étudiant en théologie), un jeune soldat – demandant à tous de lui rendre, moyennant rétribution, un service énigmatique. Peu à peu, on comprend qu'il désire se suicider en absorbant des somnifères, dans un trou creusé au pied d'un arbre, et qu'il cherche quelqu'un qui vienne, le lendemain matin, s'assurer de sa mort.

Il finit par trouver un employé du musée d'histoire naturelle, Bagheri, qui accepte – non sans tenter longuement de le dissuader de renoncer au « goût des cerises ». La nuit venue, Badii s'allonge dans sa fosse ; un orage survient, dont les éclairs nous permettent de l'apercevoir par intermittences, les yeux grands ouverts. Le film s'achève sans conclure cette histoire, par une séquence de tournage (en vidéo), où l'on voit l'équipe et un groupe de figurants, des soldats.

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, directeur d'études, École des hautes études en sciences sociales

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  • IRAN - Cinéma

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    • 2 849 mots
    ...montre les plaies du peuple, dans un monde où le cinéma, et non la religion, devient la seule forme d'aspiration à une vie autre et meilleure. Le héros du Goût de la cerise (1997) aspire à tout autre chose : trouver quelqu'un et le payer en conséquence pour qu'il verse de la terre sur son cadavre après qu'il...