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L'ESPACE DU DEDANS, Henri Michaux Fiche de lecture

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Lorsque paraît en 1944 L'Espace du dedans, d'Henri Michaux (1899-1984), le poète et le peintre, d'origine belge, ne sont encore connus que d'un petit nombre. Michaux a publié cependant sept livres chez Gallimard, et un nombre plus important de plaquettes et de petits recueils chez d'autres. Quelques appuis l'encouragent à mettre au point, seul comme à son habitude, une première anthologie de son parcours poétique, dès 1943. André Gide a publié en 1941 Découvrons Henri Michaux, où il affirme solennellement son admiration pour « un poète remarquable, mais discret, et, comme il sied, beaucoup plus amoureux de perfection que de gloire ». De même, Maurice Blanchot a salué par deux articles importants de 1941 et 1942 l'œuvre de « l'ange du bizarre » avec une particulière ferveur, qu'il manifeste à nouveau à la sortie de l'anthologie, en août 1944.

Un recueil anthologique

Une note ouvre le recueil par un de ces empêchements programmatiques dont le poète est coutumier : « Les ouvrages dont sont extraits les textes choisis de ce volume ne seront pas réimprimés, selon les vœux de l'auteur. » En réalité, le seul livre qui ne sera jamais réédité est le premier publié aux éditions Gallimard, Qui je fus (1927), dont Michaux sauve six poèmes et récuse de son vivant la version intégrale. Ces six poèmes sont significatifs : ils deviennent en quelques années des classiques d'une poétique de rupture et d'agression (« Le Grand Combat », « L'Époque des illuminés ») qui comptent beaucoup pour la notoriété d'un poète du « contre », qui « hai[t] Boileau » et « pratèle » ou « libucque » la langue avec une souveraine habileté. Curieusement, sept recueils sont annoncés en page de titre, tandis que neuf font, de fait, l'objet d'une sélection attentive : Mes Propriétés (1930) dont il extrait vingt-sept poèmes exemplaires et Peintures (1939), où avait paru le très célèbre « Clown », publiés chez de petits éditeurs, Fourcade et Lévis-Mano. Un seul livre, Un barbare en Asie (1933), est par ailleurs authentiquement exclu, ce qui indique le porte-à-faux qui le lie à son auteur.

Les six livres restants (Ecuador, Un certain Plume, La Nuit remue, Voyage en Grande Garabagne, Lointain intérieur et Au pays de la magie) sont revisités selon un principe d'efficacité, qui sélectionne les poèmes les plus parlants (« Le Grand Combat », « Mes Propriétés », « Emportez-moi », « Mon Roi ») et constitue, dans un ensemble étonnamment diversifié de formes poétiques, un partage manifeste entre deux tendances fondamentales : d'une part, les poèmes d'agression volontiers litaniques surgissent libérés de la langue et du mètre ; de l'autre, de vastes méditations poétiques (« Icebergs », « La Ralentie », « Clown », « Emportez-moi »), où le rythme s'attarde, déploient une poétique de la misère et du peu traversée de voix perdues comme un « espace aux ombres » : « Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,/ Dans les poitrines qui se soulèvent et respirent,/ Sur les tapis des paumes et leur service,/ Dans les corridors des os longs et des articulations » (« Emportez-moi »). Entre ces deux versants, des personnages et des espèces (Monsieur Plume, Les Émanglons, les Hacs, Barabo et Poumapi, les Hivinizikis, et ces animaux fantastiques que sont la Parpue ou la Darelette), des paysages et des contrées traversent L'Espace du dedans.

Mais la dimension anthologique du recueil tend à devenir, dans la suite de l'œuvre de Michaux, le modèle même de la trajectoire poétique. En 1966, dans une seconde édition, le poète « né troué », qui recompose et redispose sans cesse son œuvre, augmente L'Espace du dedans de sept nouveaux sous-espaces : Épreuves-Exorcismes (le livre de la guerre, publié[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Pau et des pays de l'Adour, faculté de Bayonne

Classification

Pour citer cet article

Pierre VILAR. L'ESPACE DU DEDANS, Henri Michaux - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 28/05/2019

Autres références

  • LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

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    • 7 278 mots
    • 13 médias
    ...Chant des morts (1948). Mais c’est la définition même de la poésie qui vacille chez les dissidents du surréalisme. Henri Michaux (1899-1984) explore « l’espace du dedans » dans son œuvre éponyme (1944) et fait de ses livres un terrain d’expérimentation des possibilités multiples du moi...