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L'AMOUR LA MER (P. Quignard) Fiche de lecture

Pascal Quignard est l’auteur d’une œuvre exigeante, riche de plus d’une soixantaine de romans, nouvelles, essais ou fragments. Rendu célèbre par Tous les matins du monde (1991), adapté à l’écran par Alain Corneau, cet écrivain singulier est aussi un musicien, fondateur du festival d’opéra et de théâtre baroque de Versailles.

Publié en 2022 aux éditions Gallimard, L’Amour la mer est un roman subtilement orchestré en une suite de quatorze chapitres qui mêlent l’amour à la mer, l’histoire à la fiction, la musique à la peinture, l’art au silence.

« L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer »

L’œuvre a été conçue dans l’atmosphère de la pandémie de la Covid-19 ainsi que dans le deuil du petit frère de l’auteur, musicien et chef d’orchestre. Né de l’incompréhensible séparation de la mort et du mythe de l’androgyne platonicien, ce roman relate une séparation non moins incompréhensible.

Le titre reprend en les renversant les premiers mots d’un célèbre sonnet de Pierre de Marbeuf (vers 1596- vers 1645) « Et la mer et l’amour ». De fait, les leitmotive de l’amour et de l’eau constituent la matrice du roman. Dès ce titre, l’alliance de deux mots de sonorité voisine annonce la prévalence de la musique dans la forme autant que dans le fond du récit ; son rythme évoque le flux et le reflux de la mer et de l’amour pour laisser sur l’estran des fragments de vies. La mer fournit le cadre spatio-temporel ; la passion amoureuse et la musique guident la fiction romanesque.

Pascal Quignard situe son roman dans l’Europe baroque de 1652, au milieu des guerres, des famines et des épidémies. L’intrigue principale évoque les amours de Thullyn, une violiste finlandaise, élève de monsieur de Sainte-Colombe, et de Lambert Hatten, luthiste virtuose et copiste, qui refuse d’interpréter et de publier ce qu’il compose. Bien que follement éprise de Hatten, Thullyn, incapable d’accueillir le bonheur, quitte son amant musicien et se retire devant la mer dans le golfe de Botnie, en Suède.

D’Anvers à Stockholm, de Paris à Constantinople, un nombre considérable de personnages viennent croiser les péripéties de leur destin : l’organiste et claveciniste allemand Froberger, le lyriste monsieur Hanovre, le luthiste Blancrocher, le compositeur et luthiste vénitien Kapsberger, l’organiste et maître de chapelle londonien John Blow, Louis Couperin et Sainte-Colombe des Matins du monde… Cette chambre d’échos où viennent se nouer de multiples romans possibles est traversée par d’autres figures plus ou moins furtives : des femmes comme la princesse Sybilla von Wurtenberg ou Marie Aidelle ; les aquafortistes Geoffroy Meaume et Abraham Bosse, le peintre Nicolas Poussin ou encore le graveur et peintre flamand Bonnecroy et son tableau Vue de la rade d’Anvers depuis le Vlaams Hoofd dont l’écrivain tire un personnage ; on y croise aussi quelques écrivains (La Rochefoucauld, La Bruyère, Pascal…) et des cantatrices (Madame d’Autun, Anna Bergerotti…). Les cent un épisodes qui accélèrent ou ralentissent les quatorze chapitres font de cette fresque un roman polyphonique qui célèbre l’amour, le jeu, la musique (l’orgue, le clavecin, la viole, le théorbe, le luth, tous les instruments préromantiques) et la peinture du xviie siècle.

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Écrit par

  • : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain

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Pour citer cet article

Yves LECLAIR. L'AMOUR LA MER (P. Quignard) - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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