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JENSEN JOHANNES VILHELM (1873-1950)

Le prix Nobel récompensa, en 1944, une œuvre sans équivalent dans la littérature danoise et dont la puissance et la vitalité sont la marque distinctive.

Né à Farsø, dans le Himmerland, Jensen songea d'abord à étudier la médecine et les sciences exactes. Mais il comprit très vite que seule la littérature pourrait lui permettre d'affronter de face le seul problème qui le passionnait, celui que pose la vie, source à la fois de bonheur et de souffrance. Divers essais romanesques lui permettent de mettre au point, outre un style d'une rare maîtrise, les deux thèmes centraux de son œuvre : celui de la précellence du « Goth » (anglo-saxon, allemand, scandinave), vrai vecteur de l'évolution avec son esprit d'entreprise, sa soif de progrès et son don de réalisation, et celui de la technique à laquelle Jensen ne cessera plus de vouer une admiration inconditionnelle. Ces vues sont proclamées dans La Renaissance gothique (1901), puis dans Le Nouveau Monde (1907) et Esprit nordique (1911). Avec La Chute du roi (1901) et les Poèmes de 1906, une autre tendance, l'exaltation de l'invincible vitalité conjuguée à une dépréciation cinglante du pessimisme et de la décadence occidentale, se fait jour.

Le chef-d'œuvre est atteint par le vaste cycle romanesque et visionnaire du Long Voyage (1908-1922) : en six volumes emportés par un souffle épique impressionnant et une imagination poétique peu commune, au demeurant nourris de sciences exactes, l'auteur célèbre à la fois l'évolution, assimilée au progrès, et, non sans un penchant raciste regrettable, les peuples nordiques vrais promoteurs de la culture.

Sur cette lancée, avec une étonnante fécondité, il composera force essais, romans, nouvelles et poèmes qui, tous, à des degrés divers, touchent à l'histoire de la culture. On est en droit de préférer deux recueils de poèmes, Lumière du monde (1926) et Le Vent du Jutland (1931), où Jensen traite magistralement son thème le plus cher, l'amour de la vie, de la femme et de la mère, symboles de fécondité. Et cet infatigable créateur devait encore inventer un genre nouveau qu'il appelle « mythe » et dont il publiera neuf recueils différents entre 1907 et 1944. Ce sont de brefs morceaux en prose volontiers poétique qui tiennent de la nouvelle, du portrait et de la fable, dont l'idée directrice est qu'il est vain de chercher à isoler le présent du passé ou de l'avenir. Un même élan vital court de l'élémentaire ou du primitif à l'actuel, tout se confond dans l'universel. Il nous reste à rendre justice à ces « mythes », dont on a pu dire qu'ils étaient au xxe siècle ce que les Contes d'Andersen sont au xixe, car ils retrouvent ce sens du dynamisme et de l'énergie qui furent le meilleur des Vikings, les prestigieux ancêtres dont, comme tant d'autres Scandinaves, J. V. Jensen resta envoûté.

— Régis BOYER

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Régis BOYER. JENSEN JOHANNES VILHELM (1873-1950) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DANEMARK

    • Écrit par Marc AUCHET, Frederik Julius BILLESKOV-JANSEN, Jean Maurice BIZIÈRE, Régis BOYER, Georges CHABOT, Universalis, Lucien MUSSET, Claude NORDMANN
    • 19 519 mots
    • 14 médias
    ... siècle, une nouvelle figure apparaît dans la littérature danoise, celle d'un homme fort, chantre de la terre et du progrès technique : Johannes V.  Jensen (1873-1950), dont l'œuvre puissante est animée d'un souffle épique assez rare. Il y a quelque chose de darwiniste dans son Long Voyage...

Voir aussi