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JEU D'ADAM (anonyme) Fiche de lecture

Composé au milieu du xiie siècle, sans doute en milieu anglo-normand, le Jeu d'Adam (intitulé dans le manuscrit unique Ordo representationis Ade) est le premier exemple européen de texte dramatique presque entièrement écrit en français. Par son sujet, le Jeu s'inscrit sans doute dans la tradition déjà bien constituée du drame liturgique en latin, mais il s'en démarque de façon novatrice par le choix de la langue. Même si une moitié à peu près de la représentation est occupée par des chants liturgiques en latin, les personnages, eux, dialoguent en français. Les séquences dramatiques deviennent ainsi pleinement accessibles à ceux qui ne comprennent pas le latin. Il est également possible que ce Jeu ait été représenté devant l'église, non à l'intérieur (comme il est de règle pour le drame liturgique), et donc proposé à un plus vaste public.

Montrer la Chute

Les trois séquences du Jeu, dont les deux premières sont fondées sur le récit de la Genèse, développent le thème de la Chute et de la Rédemption de l'humanité, comme le feront beaucoup plus tard et avec plus d'ampleur les Mystères de la Passion. Le Jeu d'Adam, comme l'indique le titre, est plus spécialement consacré à la faute originelle, mise en scène dans la première séquence. L'épisode central en est la scène de séduction du couple menée par le Diable. Alors que Figura (Dieu) laisse à Adam la jouissance du Paradis à l'exception des fruits de l'arbre du Savoir, le Diable, sous la forme d'un serpent, incite Adam à goûter le fruit qui le fera l'égal de Dieu. Il échoue, mais persuade peu après Ève en flattant sa sagesse, sa beauté – « tu es faible et tendre chose,/ tu es plus fraîche que la rose,/ tu es plus blanche que le cristal/ ou que la neige tombée dans le val » – et en la convainquant de sa supériorité sur un époux décidément trop rustre. La deuxième séquence dramatise le meurtre d'Abel par Caïn. Une troisième séquence, dont la fin a disparu, est consacrée au défilé des prophètes annonçant, en latin puis en français, la venue du Christ. De très nombreuses didascalies, rédigées en latin, donnent des indications très détaillées qui concernent aussi bien l'espace scénique – comment figurer et situer sur l'aire de jeu le paradis terrestre, comment représenter le serpent enroulé autour de l'arbre du Savoir – que la gestuelle, les déplacements, le ton de voix, le débit des personnages ou leurs vêtements. Parés au début du Jeu de splendides tuniques, Adam et Ève seront vêtus au sortir du Paradis de vêtements misérables, cousus de feuilles de figuier.

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Écrit par

  • : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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