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ŠVANKMAJER JAN (1934- )

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Né le 4 septembre 1934 à Prague, ancien élève de l’école des Arts appliqués et de l’Académie des beaux-arts, Jan Švankmajer a travaillé par la suite au sein du groupe théâtral Laterna Magika. Réalisateur inclassable, également graveur, sculpteur, céramiste, il fait de l’animation, non du dessin animé, et pratique également la prise de vue réelle avec acteurs. Pour son compatriote Milŏs Forman, son œuvre est « un mélange de Walt Disney et de Buñuel ». Étrange comparaison qui dit la complexité de l’homme. Ses films sont longtemps restés méconnus (même dans son pays), le « rideau de fer » qui sépara l’est et l’ouest ne facilitant pas la communication avec l’étranger.

Jan Švankmajer a traversé les époques et les régimes politiques : démocratie d’avant-guerre, occupation nazie, démocratie d’après-guerre, stalinisme des années 1950, Printemps de Prague de 1968, répression sous Leonid Brejnev, retour du capitalisme après la « révolution de velours » de 1989… Constamment, il s’est efforcé d’échapper à un régime qui le muselait. On trouve dans son œuvre, qui compte une vingtaine de courts-métrages et six longs-métrages, une constante : la traque de la bêtise humaine à travers les figures de l’autorité qu’il a vu se succéder au pouvoir. Il lui sera d’ailleurs interdit de filmer entre 1973 et 1979.

À partir de 1970, il est membre du groupe surréaliste tchèque. Mais, là où le surréalisme français privilégie le recours à l’imaginaire et au merveilleux, avec le surréalisme tchèque, on descend directement dans l’enfer du quotidien, représenté de la façon la plus naturaliste possible. Les mondes qu’explore Švankmajer avec un humour grinçant sont suspendus entre rêve et réalité, jusqu’à basculer dans un cauchemar où les objets et les êtres obéissent à des lois inconnues. Pour lui, en effet, les objets ont toujours été plus vivants et plus émouvants que les êtres humains. Ils contiennent une énergie secrète qu’il veut faire jaillir. Il les sculpte, les triture, les patine, les déchire. Passionné par la matière – étoffes, limaille de fer, copeaux de bois, glaise –, il opère des mélanges bizarres et fait grincer les assemblages les plus inattendus. « Tous ces objets ont été témoins de certaines émotions ressenties autour d’eux, dit-il. Ils ont été touchés par des personnes dans un certain état affectif et ces émotions ont laissé leur empreinte sur eux, elles y sont emprisonnées. À moi de trouver la clé pour les faire parler. »

Il y a de l’alchimiste chez Švankmajer. Ses sujets sont aussi variés que ses techniques : le sport, la nourriture, la télévision, la politique… Ses thèmes : l’enfermement, l’absurdité, l’autodestruction, l’incommunicabilité, et surtout « la libération des angoisses et des peurs ».

Dans le court-métrage Possibilités du dialogue, son chef-d’œuvre (grand prix au festival international du film d’Annecy 1983), on assiste au face-à-face sans fin de deux créatures qui s’entre-dévorent. Comme chez le peintre Arcimboldo, les têtes sont composées de matériaux variés (fruits, légumes, mais aussi livres, compas, équerres, ustensiles de cuisine, etc.) Elles se livrent un duel qui s’achève à chaque fois avec le vomissement de deux autres têtes composites. Symbole du dialogue de sourds qui régnait dans les pays sous domination stalinienne, image d’un monde où les hommes semblent condamnés à se reproduire à l’infini…

Soulignons le dégoût du cinéaste pour la représentation de la nourriture, dégoût venu de son enfance au cours de laquelle il a souffert de la faim, puis d’une période où on voulait absolument lui faire prendre du poids… Quant au corps humain, il est représenté sous forme de fragments (langue, œil, membres divers) ou par le truchement de poupées et d’automates… Parmi les artistes qui ont inspiré Švankmajer,[...]

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Pour citer cet article

Bernard GÉNIN. ŠVANKMAJER JAN (1934- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 05/08/2014

Autres références

  • CINÉMA (Cinémas parallèles) - Le cinéma d'animation

    • Écrit par et
    • 17 657 mots
    • 6 médias
    En Tchécoslovaquie, Jan Svankmajer s'était imposé avec Les Possibilités du dialogue (grand prix d'Annecy, 1982). Animateur et sculpteur passionné par la matière, il y triturait les objets, opérant des mélanges bizarres et des assemblages inattendus. Depuis lors, ce membre du groupe surréaliste...