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HASSOUN JACQUES (1936-1999)

Né en Égypte de parents français, juif athée, le psychanalyste Jacques Hassoun n'a jamais renoncé à l'héritage cosmopolite qui fut le sien ni renié son passé de militant. Emprisonné en Égypte lorsqu'il était communiste, il fut trotskiste, avant de défendre dans sa pratique et ses écrits la liberté du sujet. Polyglotte, grand connaisseur de l'hébreu et de l'arabe, la psychanalyse lui permit de rester un « contrebandier » entre deux cultures qu'il ne pouvait séparer. Brillait dans l'ironie de son regard la lumière unique de l'Orient. Installé en France en 1954, il devient d'abord psychiatre. Analysé par Conrad Stein puis Jean Clavreul, il entre tardivement (1979) à l'École freudienne, remarqué par Lacan pour un travail sur le narcissisme primaire. Cofondateur du Cercle freudien, il collabore à plusieurs revues, L'Ordinaire du psychanalyste, Patio, Études freudiennes.

Dans sa réflexion sur la pulsion de mort (Les Indes occidentales), Jacques Hassoun se demande si la répétition du refoulé, voire de ce qui n'a pas été symbolisé, ne peut ouvrir au changement. La répétition dans le symptôme « n'est pas un agir mais une actualisation ». Il met à la question l'objet en psychanalyse dans une trilogie (Les Passions intraitables, La Cruauté mélancolique, L'Obscur Objet de la haine) et montre clairement que l'objet, cause du désir dans la théorie de Lacan, ne saurait être confondu avec l'objet transitionnel de Winnicott, source d'illusion créatrice. En effet, il met en évidence la fonction protectrice de l'objet dans la structure psychique : si le désir se soutient du refoulement d'un objet perdu, mythique (le sein maternel, d'abord), chez le psychotique, il n'y a pas d'objet perdu ; ce qui n'a pas été symbolisé fait retour dans le délire, vient trouer la réalité par l'hallucination. Le passionné – jadis le joueur, aujourd'hui le toxicomane par exemple – cherche à faire exister un objet qui finit toujours par se déliter car il n'a jamais pris corps. Aucun objet ne fait plus rempart pour le dépressif qui s'acharne à se détruire à travers lui et tous ses semblants. Contrairement à Freud pour qui la haine était un point aveugle, puisque sa théorie ne l'envisageait que comme envers de l'amour, Jacques Hassoun relève que celle-ci tente vainement de donner consistance à un épouvantail qui préviendrait l'effondrement psychique du sujet. C'est l'objet haï qui fait alors exister le sujet.

Pris comme la plupart des analystes de sa génération dans les dissensions nées de la dissolution de l'École freudienne, Jacques Hassoun se dégagea de la mêlée. Esprit libre, il prenait à l'occasion ses distances avec la pensée de Lacan, récusant l'hypothèse improbable d'un désir pur, qui se confondrait en définitive avec le désir de mort. Tout autant, il déclarait ne pouvoir souscrire à l'optimisme d'un maître qui, en dépit d'une vision tragique, avait voulu convaincre de la toute-puissance de la psychanalyse. En revanche, persuadé que l'analyse n'est pas pour le sujet seulement réconciliation avec son désir et son histoire mais lieu de passage, de transmission, Jacques Hassoun s'est attaché à en éclairer les traces et les effets non seulement dans la clinique mais dans la culture, les idéologies, la politique. Lui-même en avait fait l'expérience en découvrant après coup ce qu'il devait à ses origines alexandrines : non seulement il fit de son appartement un véritable musée vivant, mais devint pour toute une communauté de patients exilés le lieu d'une mémoire possible.

Comme chez beaucoup d'analystes, la littérature s'entrelace, pour Jacques Hassoun, au travail sur les cas et en enrichit l'intelligence (Maurice Blanchot, Stefan[...]

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Écrit par

  • : professeur de philosophie, chargé de cours aux universités de Paris-VII et Paris-VIII, docteur en psychopathologie fondamentale et psychanalyse

Classification

Pour citer cet article

Jean-François de SAUVERZAC. HASSOUN JACQUES (1936-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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