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POGORELIĆ IVO (1958- )

Rarement pianiste aura autant opposé les amateurs. Porté aux nues ou contesté avec virulence, Ivo Pogorelić ne laisse pas les auditeurs indifférents. Dans son exploration de ses choix esthétiques, l'interprète croate pousse souvent l'audace jusqu'à la provocation. D'où un parcours à l'écart des sentiers battus, les excès hors de propos se mêlant aux plus éclatantes réussites.

Ivo Pogorelić naît le 20 octobre 1958 à Belgrade d'un père contrebassiste. À l'âge de sept ans, il aborde le piano. Il n'a que douze ans quand il quitte sa famille pour aller travailler à l'École centrale de musique de Moscou, puis au Conservatoire Tchaïkovski. En 1977, il rencontre la grande pédagogue Aliza Kezeradze – il l'épousera en 1980 – qui lui transmet la tradition de l'école Liszt-Siloti. En 1978, il remporte le premier prix du concours Alessandro Casagrande de Terni. Deux ans plus tard, en 1980, il est déclaré vainqueur du concours de Montréal. La même année cependant, l'originalité de son jeu révulse la majorité des vingt-cinq jurés du concours Frédéric Chopin de Varsovie. Il se trouve écarté de la finale. En signe de protestation, Martha Argerich, Louis Kentner et Nikita Magaloff ne prendront plus part aux délibérations qui établissent le palmarès. Pogorelić obtient cependant le prix de la critique.

Son récital en 1981 au Carnegie Hall de New York marque le début de sa carrière internationale. Les plus grandes salles et les plus illustres orchestres le réclament. Si, en concert, son répertoire peut s'élargir jusqu'à Granados, Rachmaninov, Balakirev et Sibelius, il n'aborde en studio (pour le label Deutsche Grammophon) qu'un nombre limité d'œuvres signées Bach, Scarlatti, Haydn, Mozart, Beethoven, Schumann, Chopin, Liszt, Brahms, Moussorgski, Scriabine, Ravel et Prokofiev. À son catalogue, seulement deux concertos, le premier de Tchaïkovski et le second de Chopin, à chaque fois sous la baguette de Claudio Abbado. En 1986, Ivo Pogorelić crée une fondation qui distribue des bourses aux jeunes artistes de son pays. L'U.N.E.S.C.O. le nomme en 1988 ambassadeur de bonne volonté. De 1989 à 1997, il anime à Bad Wörishofen (Allemagne) un festival qui porte son nom. Il fonde en 1993 un concours international de piano à Pasadena (Californie). Grâce à une nouvelle fondation née en 1994, il organise des concerts de charité afin de favoriser l'approvisionnement médical des habitants de Sarajevo. Depuis la mort de son épouse en 1996, il cesse de fréquenter les studios et ralentit considérablement le rythme de ses apparitions publiques. Son retour devant les micros et sur scène en 2013 est attendu avec le plus vif intérêt.

Ennemi des traditions qui, selon lui, brouillent gravement le message du compositeur, Ivo Pogorelić s'investit avec passion dans la quête d'une insaisissable vérité musicale. Une maîtrise exceptionnelle du clavier – qu'il s'agisse d'un prodigieux éventail de couleurs et d'attaques ou des plus incroyables voltiges digitales – lui offre les moyens d'une liberté sans limites. Peu soucieux du confort d'auditeurs parfois désorientés, il pousse sa démarche analytique jusqu'à l'abstraction dans des tempos changeants, parfois étirés à l'extrême. Au gré de radicales ruptures de rythme et d'univers poétiques, les partitions se révèlent, dans ce jeu violemment contrasté, sous un aspect inédit, avec une vitalité inattendue. De cette approche subjective et profondément réfléchie, bien éloignée de la morosité des lectures superficielles, naissent des interprétations qui sont de véritables recréations. Quelques échecs patents, quand l'aventure est poussée trop avant, ne peuvent faire oublier les révélations que nous offrent des Suites anglaises de Bach idéalement dessinées, des scherzos[...]

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Pierre BRETON. POGORELIĆ IVO (1958- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )