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PIRENNE HENRI (1862-1935)

Né à Verviers, Henri Pirenne suit, à l'université de Liège, les cours pratiques institués par Godefroid Kurth. Malgré la différence de leurs tempéraments, le maître et le disciple se comprennent et se complètent. Médiéviste accompli, Kurth détermine le cadre de prédilection des futurs travaux de Pirenne. Il lui lègue son sens aigu de la critique, d'une critique objective, indépendante et constructive. C'est l'université de Liège qui ouvre à Pirenne la carrière de l'enseignement supérieur, en 1885. Mais, l'année suivante, Pirenne part pour Gand, où il donne à l'enseignement pratique et scientifique de l'histoire un éclat nouveau. Des livres nombreux témoignent de la qualité de cet enseignement, et d'abord l'Histoire de Belgique (7 vol., Bruxelles, 1900-1932), œuvre grandiose de toute une vie, construction remarquable qui renouvelle la connaissance du passé des provinces des Pays-Bas. Citons aussi Les Villes du Moyen Âge (1927) et Mahomet et Charlemagne (1937). Enfin, durant la Première Guerre mondiale, Pirenne met à profit les loisirs de sa captivité en Allemagne pour composer une Histoire de l'Europe (1936) qui présente la synthèse de l'histoire occidentale jusqu'au xve siècle. Plusieurs ouvrages posthumes et des rééditions de publications devenues rares maintiennent la présence de l'historien parmi tous ceux qui, parfois sans l'avoir connu, lui doivent le meilleur de leur formation.

À travers ses livres écrits avec une sobriété classique, Pirenne illustre et défend quatre thèses d'importance et de valeur inégales.

La première concerne la primauté de l'économie dans l'explication historique. Elle nous permet de mesurer toute la distance qui sépare Pirenne de Kurth ou de Fustel de Coulanges. Pour lui — bien avant la vulgarisation de la doctrine marxiste du matérialisme historique —, c'est l'ensemble des forces de production qui est à la base de l'histoire. Il n'y a là aucune philosophie plaquée sur l'histoire, mais une acceptation franche du poids des impératifs économiques. Sans une juste appréciation des ressources matérielles d'un pays ou d'une époque, il n'est pas d'histoire cohérente.

La deuxième thèse est étroitement liée à la première. Quelle est l'origine des villes du Moyen Âge ? Pirenne prouve que les centres urbains des xe et xie siècles ne se sont pas formés à côté des centres domaniaux ou des abbayes, mais qu'ils sont habituellement issus d'établissements permanents de marchands. La ville est donc d'abord un lieu de commerce, elle est restée un lieu de transformation des richesses. L'activité économique explique bien les institutions urbaines, le rôle politique des villes et leur développement.

La troisième thèse de Pirenne est d'ordre national. Elle affirme que la Belgique contemporaine est l'aboutissement naturel d'une évolution lente mais continue. Dès le Moyen Âge, les principautés se rapprochent les unes des autres, car leurs intérêts économiques sont communs. Lorsque les ducs de Bourgogne réunissent sous leur sceptre ces principautés, leur union aura une base solide que l'avenir ne fera plus que consolider.

La dernière des quatre thèses est la plus générale, puisqu'elle s'efforce de résoudre le problème du passage de l'Antiquité au Moyen Âge. La doctrine nouvelle déplace le début du Moyen Âge du ve au viie siècle en établissant que les invasions germaniques ne sont responsables qu'en apparence de la chute de l'Empire romain. Au début du viie siècle encore, l'unité du monde méditerranéen subsiste, et il a fallu le choc décisif des invasions arabes pour faire de la Méditerranée une frontière. Le centre de gravité de l'Europe occidentale se déplace vers le nord. Des peuples nouveaux remplacent les anciens. Les[...]

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Pour citer cet article

Léone E. HALKIN. PIRENNE HENRI (1862-1935) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CAROLINGIENS

    • Écrit par Robert FOLZ, Carol HEITZ
    • 12 125 mots
    • 7 médias
    Le seul débat qui soit à rappeler est celui ouvert par le livre célèbre d'Henri Pirenne, Mahomet et Charlemagne (1937), qui situait vers le milieu du viiie siècle la fin de la civilisation antique, conséquence de la rupture entre l'Orient et l'Occident, provoquée par l'expansion de l'Islam dans...