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GOULED APTIDON HASSAN (1910-2006)

Homme d'État djiboutien. Hassan Gouled Aptidon est né vers 1910 à Gerissa, dans le Somaliland anglais, en pays issa. Jeune homme, il cède au tropisme de Djibouti où il exercera d'abord des emplois modestes.

En 1947, il se lance dans la vie politique et est élu dès 1950 sénateur de la Côte française des Somalis (C.F.S.) dont il préconise le maintien au sein de l'empire français. Sa modération est appréciée en métropole, où la radicalisation de certains Issa inquiète. Par prudence, Paris se rallie à un soutien de la communauté afar, Gouled se voyant alors reprocher par les siens la perte de leur primauté ; aussi, à partir de 1959, celui-ci évoque-t-il la nécessité d'entreprendre un changement de statut pour la C.F.S. et proteste-t-il contre la discrimination dont les Issa sont devenus l'objet. À Djibouti, en effet, le rapport intercommunautaire devient tendu. En 1966, la visite du général de Gaulle suscite une crise qui conduit la métropole à envisager un abandon de la colonie. L'intelligence politique du député Gouled calme néanmoins les esprits et permet d'obtenir la promesse d'un accompagnement vers « une indépendance protégée par la France ». Avisé, il se rapproche alors de l'indépendantiste afar Ahmed Dini pour créer un puissant parti multiethnique. En deux ans, les deux hommes mobilisent le peuple et gagnent la confiance des organisations internationales qui pressent Paris d'organiser un référendum. Le 24 juin 1977, Hassan Gouled est ainsi élu premier président de la République de Djibouti.

Reste que, passé les premières incertitudes de l'indépendance, se dessine sur le pays la main mise du clan présidentiel. Ahmed Dini, intransigeant Premier ministre, démissionne au bout de trois mois ; Abdallah Mohamed Kamil, qui lui succède, est renvoyé moins d'un an plus tard ; le poste échoit en 1978 à un homme au caractère plus docile. L'autoritarisme du régime s'appuie désormais sur un appareil politique fondé sur un parti unique. Candidat unique aussi, Hassan Gouled est réélu en 1981 puis en 1987. Le rapport démographique entre Afar et Issa bascule, dès 1981, au profit des seconds. En 1991, sur fond de délitement régional, le nord du pays se soulève. Pressé par Paris de parvenir à la paix, Hassan Gouled engage un processus constitutionnel qui ouvre la voie à un multipartisme limité. Affaibli cependant par la maladie et moralement éprouvé par une guerre civile qui a été gérée par son entourage au prix de nombreux excès, le président, en 1999, choisit de se retirer. C'est à son domicile de Haramous, à Djibouti-ville, qu'il meurt le 21 novembre 2006.

Sagace et opiniâtre, lucide et peu communicatif, aimant travailler dans le calme, vivant sans extravagance, Hassan Gouled Aptidon était une personnalité à la fois rugueuse et attachante dont chacun reconnaissait l'authentique simplicité. La singularité avec laquelle il a su alterner pragmatisme et fermeté à l'égard de la puissance coloniale laissera l'incontestable empreinte d'un artisan modéré et sage de l'indépendance du pays. Sa présidence est différente. L'histoire en retiendra peut-être un autoritarisme mesuré ; elle oubliera son ancrage féroce à la logique du clan, une logique à laquelle il est à jamais impossible de savoir s'il n'a pas pu, n'a pas voulu ou a renoncé à déroger, tant il est vrai que sa prégnance est forte au sein de la société somali. Il y aura en tout cas été entretenu par un entourage équivoque établi tant parmi ses héritiers que parmi ce monde interlope allant du simple affairiste à la mafia corse, sur fond d'inconséquences du vieil ami français.

— Marc FONTRIER

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Écrit par

  • : officier supérieur, docteur de l'Université (sciences politiques, études africaines), diplômé des langues orientales (arabe, amharique, somali)

Classification

Pour citer cet article

Marc FONTRIER. GOULED APTIDON HASSAN (1910-2006) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DJIBOUTI

    • Écrit par Colette DUBOIS, Universalis, Alain GASCON, Jean-Louis MIÈGE
    • 7 778 mots
    • 6 médias
    ...1958. Le leader issa Mahmoud Harbi, considéré comme l'« enfant chéri » de l'administration française, se prononce pour le « non » et pour l'indépendance ; son rival Hassan Gouled appelle à voter « oui ». Celui-ci l'emporte (75 p. 100 des voix). Le résultat entraîne l'élection de Hassan Gouled à la vice-présidence...

Voir aussi