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COSTAKIS GEORGE (1912-1990)

Fils d'un commerçant grec installé à Moscou, George Costakis est né dans cette ville en 1912. Modeste employé à l'ambassade de Grèce à partir de 1929 puis à l'ambassade du Canada à partir de 1943, George Costakis était avant tout collectionneur ; attaché aux héros de l'avant-garde russe des années 1920 (en particulier Malévitch, El Lissitzky, Popova, Rodtchenko, Klioun), il avait tapissé de leurs œuvres les murs de son appartement moscovite. Au début des années 1970, le monde occidental découvrait dans la presse les photos de cet appartement et se demandait comment une collection d'une telle importance avait pu être constituée librement en U.R.S.S. Certains ont même supposé que Costakis était une taupe à la solde du K.G.B.

Les chiffres surprennent. The George Costakis Collection : Russian Avant-Garde (New York, 1981), livre-catalogue publié sous la direction d'Angelica Rudenstine, comprend près de mille deux cents numéros, or il est loin d'être complet : la totalité des œuvres que Costakis emporta avec lui quand il émigra, en 1977, est reproduite, mais seulement cent vingt-deux de celles qu'il donna à la galerie Trétiakov, ce qui représente une infime fraction de sa donation. Encore faut-il ajouter à ces chiffres près de mille œuvres sur papier volées à Costakis en 1974, et les nombreux dons qu'il fit à ses amis. Malgré cela, la collection Costakis demeure aujourd'hui l'ensemble le plus vaste au monde (et le plus varié) d'œuvres de l'avant-garde russe.

Sur les conditions mêmes de la constitution de la collection, tous les témoignages concordent : lorsque Costakis commença à acheter l'art des années vingt, personne n'en voulait, les rares artistes survivants se désintéressaient de leurs œuvres de jeunesse, les héritiers étaient souvent trop heureux de s'en débarrasser. Les prix étaient dérisoires, les appointements des employés, même modestes, de l'ambassade du Canada très élevés, les sacrifices que Costakis était prêt à faire, considérables, le droit de collectionner en privé était reconnu en U.R.S.S. : nul besoin du K.G.B. (auquel en revanche Costakis attribua souvent certaines de ses mésaventures).

Il faut se rappeler que, lorsqu'il commença à s'y intéresser, en 1946, l'art de l'avant-garde russe était totalement censuré et donc ignoré : Costakis, déjà collectionneur avant guerre (art décoratif du xviiie au xixe siècle, et peinture hollandaise et flamande), en avait à peine entendu parler et n'en avait jamais vu.

Ayant été obligé de vendre sa première collection pendant la guerre,, sans espoir de pouvoir la reconstituer, Costakis eut la révélation de l'art de l'avant-garde quand il vit chez un artiste une œuvre abstraite d'Olga Rozanova. Aucune publication ne pouvait lui servir de guide : il lui fallait donc frapper de porte en porte pour pouvoir construire peu à peu un tableau général de l'avant-garde. Aujourd'hui, il est hors de doute que l'action quasi archéologique de Costakis fut déterminante pour la simple sauvegarde de l'art russe des années 1920. Sans lui, Camilla Gray n'aurait sans doute pas pu écrire L'Avant-garde russe dans l'art moderne, qui ouvrit l'œil de l'Occident (publié en anglais en 1962, traduit en français en 1968) ; sans lui, plus de la moitié de la production de Popova aurait été perdue et nous ne saurions rien de Klioun, pour ne prendre que deux exemples. Il n'est sans doute pas un seul participant de l'avant-garde russe qui ne soit représenté dans la collection Costakis (y compris des renégats, si l'on peut dire, comme Chagall et Kandinsky) ; c'est l'esprit ouvert de Costakis qui lui permit par exemple d'apprécier Gustav Klucis, dont on commence à peine à mesurer l'importance. Autre moment fort de la collection : l'ensemble de dessins illustrant[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

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