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VERHAEREN ÉMILE (1855-1916)

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Le poète ouvert au monde

Verhaeren s'ouvre alors au monde. Il assume les changements, voit mourir les campagnes et naître non plus la cité mais la Ville. Il fait alors ce que les poètes ont fait de tout temps : il va aimer ce monde qui se forge devant lui, et il va l'aimer assez pour en extraire une beauté, redoutable sans doute mais réelle, qu'il exaltera. C'est la longue suite des grandes œuvres : Les Apparus dans mes chemins (1891), Les Campagnes hallucinées (1893), Les Villages illusoires (1894), Les Villes tentaculaires (1895).

Il parvient même un peu plus tard à traduire ce monde nouveau devant lequel il a d'abord tremblé avec un accent de plénitude qu'il ne connaissait pas encore : Les Visages de la vie (1899), Les Forces tumultueuses (1902), Toute la Flandre (1904), La Multiple Splendeur (1906). Entre-temps, comme un repos entre deux tâches gigantesques, il a su donner à l'amour intime quelques-uns de ses plus beaux chants : Les Heures claires (1896) et Les Heures d'après-midi (1905). Il poursuit dans la voie ainsi tracée, et Les Rythmes souverains (1910) seront séparés des Blés mouvants (1912) par l'admirable musique de chambre des Heures du soir (1911). C'est curieusement dans le théâtre, un théâtre très poétique, qu'il lui arrive de traquer encore ses démons personnels : Le Cloître en 1900, Philippe II en 1904 et Hélène de Sparte en 1908. On y retrouve le climat et comme l'écho des peurs d'autrefois. Partout ailleurs, le poète, en s'ouvrant au monde, a dominé son angoisse, dit son amour et peint, en Flamand qu'il était, cet univers mouvant, changeant et volontaire.

Verhaeren, certes, fut souvent loué, parfois même compris, et quelquefois injustement méprisé. Du « grand Barbare doux » certains n'ont voulu retenir que le « Barbare ». Il n'appartient à aucune école. Enfin, ce romantisme socialiste auquel généreusement il rêvait a fait place à des réalités plus rudes. Verhaeren est l'un des rares grands poètes d'expression française à ne survivre que dans les anthologies. Les œuvres elles-mêmes, aujourd'hui dispersées dans les bibliothèques et les greniers, ne sont plus accessibles. De sorte que l'on assiste à l'évolution d'un monde que le poète vit naître et dont il traduisit la naissance avec une fougue et un talent comparables à ceux d'un Walt Whitman sans pouvoir s'y référer.

— Gérard PRÉVOT

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Pour citer cet article

Gérard PRÉVOT. VERHAEREN ÉMILE (1855-1916) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • SYMBOLISME - Littérature

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    • 4 médias
    Pour la première génération dominent les œuvres de Verlaine, Cros, Villiers et surtout Mallarmé. Pour la deuxième, Émile Verhaeren s'impose (1855-1916). Son premier recueil (Les Flamandes, 1883) est accueilli, non sans méprise, comme naturaliste. Le second (Les Moines, 1886), comme « mystique...