DYSPRAXIE ou TROUBLES DE L'ACQUISITION DE LA COORDINATION
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Le terme « dyspraxie » a été abandonné par l’ensemble des experts internationaux à la fin d’une conférence de consensus, tenue à London (Canada) en 1994, au profit de l’appellation « trouble de l’acquisition de la coordination » (T.A.C.). Le T.A.C. se définit comme une diminution des performances dans les activités de tous les jours qui requièrent une coordination motrice, à un niveau inférieur à celui attendu pour un enfant du même âge et de même intelligence. Pour que le diagnostic puisse être posé, ces mauvaises performances doivent interférer de façon significative avec les résultats scolaires ou les activités de la vie quotidienne. Il ne doit pas exister de pathologie organique associée, telle qu'une paralysie motrice, une hémiplégie ou une dystrophie musculaire. En cas de déficience intellectuelle, les difficultés motrices doivent être plus importantes que celles qui sont habituellement associées à un retard mental du même niveau.
Le T.A.C. affecte de nombreux enfants d’âge scolaire et persiste à l’âge adulte. Les études de prévalence, qui prennent en compte à la fois les troubles de la coordination motrice et leurs conséquences sur la vie quotidienne et la scolarité, concernent environ 5 p. 100 des enfants, parmi lesquels 1,8 p. 100 présentent un trouble de la coordination sévère pouvant induire une situation de handicap et 3,2 p. 100 présentent un trouble modéré de la coordination. Les garçons sont plus fréquemment touchés que les filles (environ 1,9 garçon pour 1 fille).
Le diagnostic du T.A.C. requiert une évaluation par une échelle standardisée des performances motrices de l’enfant (par exemple, M.-A.B.C., batterie d’évaluation du mouvement chez l’enfant), mais aussi, lorsqu’un déficit est mis en évidence, une évaluation des conséquences sur la vie quotidienne de l’enfant. Afin d’éliminer une pathologie organique, un examen médical et neurologique est nécessaire. Enfin, un bilan neuropsychologique a pour objectif d’évaluer le fonctionnement cognitif général (quotient intellectuel), mais également de préciser les fonctions cognitives perturbées et les fonctions cognitives préservées. Ce bilan doit aussi s’attacher à rechercher des comorbidités avec d’autres troubles (dyslexie, troubles du langage oral, etc.).
Les enfants présentant un T.A.C. ont des perturbations de l’écriture manuscrite. Ces difficultés surviennent dès le début de l’apprentissage en grande section de maternelle. Les enfants atteints de T.A.C. peinent à reproduire les lettres à partir d’un modèle. Le tracé est peu fluide et reste lent. La lisibilité des lettres se dégrade au fur et à mesure de l’exercice. Mais surtout, alors que leurs camarades commencent à acquérir des automatismes dans le geste écrit, les enfants ayant un T.A.C. continuent à dessiner chacune de leurs lettres, et ce traçage laborieux accapare la plus grande partie de leur attention. L’absence d’automatisation du geste écrit prive les enfants des ressources attentionnelles nécessaires à la réalisation de ces tâches de haut niveau. Toute situation d’apprentissage doit donc prendre en compte cette particularité, afin de leur permettre de faire les acquisitions scolaires dans le même temps que les autres sans être gênés par leur handicap.
Dans la vie quotidienne, les enfants atteints de T.A.C. ont des difficultés pour s’habiller (boutonner, remonter une fermeture éclair, mettre un pantalon, faire des lacets…), pour prendre leurs repas (couper les aliments, manger proprement…), gérer seuls leur hygiène corporelle (se brosser les dents, se laver et se coiffer les cheveux…). Les activités sportives et de loisir (faire du vélo, nager, les jeux collectifs, de ballons, de raquettes…) sont aussi sources de difficultés. À l’école, les activités de traçage avec utilisation d’outils de géométrie ou de découpage avec des ciseaux sont problématiques pour beaucoup d’entre eux.
Les études de mouvements oculaires mettent en évidence un trouble de l’organisation du regard et des difficultés à maintenir une fixation sur la durée. Bien que les enfants souffrant de T.A.C. n’aient pas de difficulté à acquérir les principes du décodage des mots, les anomalies des mouvements des yeux peuvent avoir des conséquences sur la lecture. Les enfants sautent des mots lorsqu’ils lisent, confondent les lignes en démarrant par la lecture du début d’une ligne et en finissant sur la fin de la ligne suivante, et se fatiguent au bout de quelques pages tant la gestion de leurs mouvements oculaires est difficile.
Sur le plan cognitif, on retrouve des anomalies du traitement de l’information visuo-spatiale avec des troubles de la mémoire et de l’attention spatiale. Il existe aussi une perturbation de la perception des quantités numériques et du traitement des nombres symboliques, qui peut être à l’origine de difficultés en mathématiques. Le comptage des objets par pointage est difficilement possible chez ces enfants qui ne peuvent suivre des objets ni avec leurs doigts ni avec leurs yeux. En revanche, la compréhension des concepts mathématiques, comme le concept de linéarité (il y a le même écart entre 1 et 2 qu’entre 98 et 99), est préservée.
Les troubles varient d’un enfant à l’autre. En particulier, sur le plan moteur, la motricité générale, l’équilibre et la motricité fine peuvent être affectés à un degré différent, certains enfants présentant des anomalies dans les trois domaines, alors que, pour d’autres, seul un domaine sera affecté.
Sur le plan cérébral, l’ensemble de ces troubles pourrait être sous-tendu par un dysfonctionnement de la région pariétale.
Il est indispensable d’aménager l’environnement pour permettre à ces enfants d’apprendre à l’école. Une première étape consiste à rendre accessibles les contenus scolaires, en modifiant les mises en page pour contourner les troubles de l’organisation du regard et les anomalies de traitement de l’information visuo-spatiale. Une seconde étape est la compensation du déficit de l’écriture que rend possible l’utilisation d’un ordinateur. La prise en compte de la fatigabilité induite par le contrôle attentionnel des gestes tout au long de la journée est aussi un facteur essentiel à leur réussite scolaire.
Bibliographie
C. Huron,L’Enfant dyspraxique : mieux l’aider à la maison et à l’école, Odile Jacob, Paris, 2011.
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Écrit par
- Caroline HURON : docteure en sciences cognitives, chargée de recherche, Institut national de la santé et de la recherche médicale, psychiatre
Classification
Autres références
-
DÉFICIENCES MENTALES
- Écrit par Bernard GIBELLO
- 3 798 mots
Les dyspraxies consistent en un mauvais apprentissage des enchaînements de gestes et de leur accompagnement tonico-moteur. Elles entraînent une maladresse gestuelle, corporelle et posturale, et en général de graves difficultés à la représentation de l'espace.
Voir aussi