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BOGARDE DIRK (1921-1999)

À l'exception de quelques-uns, dont Hunted (Rapt) de Charles Crichton (1951) et Victim (Victime) de Basil Dearden (1961), les films auxquels Dirk Bogarde a participé entre 1947 et 1962 sont, au pire, mauvais, au mieux, médiocres. Contraint à interpréter des jeunes premiers romantiques, des délinquants fugitifs ou des officiers de Sa Gracieuse Majesté dans des productions routinières, il a pourtant atteint un degré de popularité exceptionnel dans l'histoire du cinéma britannique. Certes, sa beauté, son charme, son magnétisme même y ont contribué. Pareil engouement ne se serait cependant pas exprimé sur une telle durée s'il n'y avait eu quelque chose de plus consistant. Intelligent, cultivé, raffiné et professant une haute opinion de son métier, le comédien s'employait en effet à donner quelque épaisseur aux personnages conventionnels qu'il était chargé d'interpréter, en les dotant parfois d'une touche énigmatique ou sardonique. Dans les années 1960, il s'imposa enfin comme un des plus grands acteurs de cinéma britanniques.

Peu de comédiens sont parvenus à un si haut degré d'intensité dramatique avec une telle économie de moyens : discret, quasi effacé, Dirk Bogarde se montre constamment « à l'écoute » de ses partenaires et ne joue qu'en inter-réaction avec eux. D'une subtilité rare, il sait doter ses personnages d'une complexité et d'une ambiguïté inouïes, en s'attachant à en révéler, par un simple geste ou une expression fugitive, les fissures ou les zones d'ombre. Ainsi, en faisant totalement oublier le travail de composition, il va être tour à tour l'amant torturé de Darling de John Schlesinger (1965), le père opportuniste de Our Mother's House (Chaque soir à neuf heures) de Jack Clayton (1967), l'arriviste velléitaire de La Caduta degli Dei (Les Damnés) de Luchino Visconti (1969), l'ancien officier nazi de The Night Porter (Portier de nuit) de Liliana Cavani (1974). Surtout, on ne saurait plus le dissocier du valet machiavélique de The Servant de Joseph Losey (1963), du professeur psychologiquement faible de Accident également de Joseph Losey (1966), qu'il tenait pour sa meilleure interprétation, ou encore du compositeur malade et hanté par la quête de la beauté de Morte a Venezia (Mort à Venise) de Luchino Visconti (1970). Ce rôle quasi muet, où l'acteur est réduit à l'état de regard, fut loué dans le monde entier.

Derek van den Bogaerde est né le 29 mars 1921 à Londres. Son père, Ulric van den Bogaerde, contribue aux pages artistiques du Times. Sa mère, Margaret Niven, est comédienne, comme l'est aussi sa marraine, Yvonne Arnaud. Il s'oriente de fait très tôt vers les beaux-arts et le théâtre. Après diverses activités « en coulisses », comme manœuvre, menuisier, peintre et concepteur de décors, et de modestes apparitions sur scène, il tient en 1939 son premier rôle important dans When we are Married de J. B. Priestley, dans un théâtre de la banlieue de Londres. Mais sa carrière naissante est interrompue par la guerre et ne reprendra qu'après cinq années passées sous l'uniforme, notamment en Normandie et en Asie du Sud-Est. Son succès dans Power Without Glory lui vaut de débuter à la télévision et lui ouvre la porte des studios de cinéma : il est pris sous contrat par Arthur J. Rank. En 1954, grâce à l'extraordinaire succès de Doctor in the House (Toubib or not Toubib) de Ralph Thomas, il accède au vedettariat et devient, pour dix ans, l'acteur le plus populaire de Grande-Bretagne.

Dirk Bogarde n'en continue pas moins de refuser les propositions de Hollywood. Cependant, il pousse son employeur à lui confier des rôles plus consistants dans des productions plus ambitieuses. Or soit les projets avortent, soit les films réalisés n'échappent pas à la qualité [...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma

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Pour citer cet article

Alain GAREL. BOGARDE DIRK (1921-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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