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THIXOTROPIQUES BOUES

Dans la classification de J. Bourcart, boues et vases font partie de l'ensemble des poudres, particules de diamètre compris entre 1 et 20 micromètres. Ces sédiments visqueux, homogènes, aux couleurs variées, souvent assez foncées, couvrent le fond des lacs, des étangs, des canaux, des rivières et de grandes étendues du plateau continental. Ensembles complexes, le plus souvent argileux, ils sont formés d'une phase minérale inerte contenant poudres et sables siliceux ou calcaires d'origine fluviatile en général, et d'une phase active, essentiellement constituée de matières organiques (squelettes de micro-organismes, pollens), qui sert de liant à la première. La phase active colloïdale est cependant moins importante dans les boues que dans les vases littorales. Comme tous les sédiments argileux, les boues renferment beaucoup d'eau. Ce sont des corps plastiques dont la rigidité dépend de la teneur en eau du milieu où ils se trouvent. Leur comportement de solide peut dépasser la limite de liquidité (limite d'Atterberg) : mais à la moindre agitation mécanique la masse solide deviendra instantanément fluide ; c'est la thixotropie.

Parmi les sols thixotropiques mondialement connus il faut signaler les vases des côtes de la Manche, plus souvent nommées sables mouvants. La tangue des rivages bretons et normands est intermédiaire entre les sables calcaires et les vases. On y trouve surtout des sablons et des poudres carbonatés liés par des colloïdes organiques ou ferreux. La tangue de la baie du Mont-Saint-Michel, perméable et litée, peut atteindre plusieurs mètres d'épaisseur. Grâce à leur intéressante propriété, les boues et certaines argiles smectiques sont utilisées depuis longtemps par les pétroliers comme boues de forage (en anglais : drill mud). On injecte sous pression, au fur et à mesure de la manœuvre, à l'intérieur du train de tiges, un courant de boue d'une composition très étudiée, mélange d'eau, d'argiles, de matières colloïdes et de produits chimiques divers. Cette boue thixotropique a plusieurs fonctions : celle de refroidir le trépan au point d'attaque de la roche, et par surpression, en remontant à l'extérieur du train de tiges, de refroidir tout l'ensemble de l'outil de forage. Elle lubrifie aussi le trépan lors de sa rotation. Le fluide aqueux entraîne alors aisément les débris rocheux broyés vers le haut du puits, colmate les couches aquifères rencontrées, maintient les parois du trou par la formation du mud-cake et s'oppose par la pression hydrostatique de sa colonne au jaillissement subit d'hydrocarbures à l'état liquide ou gazeux. Un arrêt brusque du forage immobilise la boue à l'état solide, « solide » qu'une reprise du mouvement remobilise immédiatement. À la sortie du puits, les boues sont récupérées par pompage, mises à décanter dans un bassin et tamisées sur des filtres avant d'être renvoyées dans le circuit ; leurs compositions physiques et chimiques font l'objet d'un contrôle fréquent et minutieux, et sont constamment adoptées aux conditions changeantes du forage. Elles sont aussi soigneusement examinées par des géologues, car elles charrient des fragments de roches qui peuvent contenir des traces d'hydrocarbures à des niveaux qui ne semblaient pas être pétrolifères.

— Michèle LE GOAZIGO

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Michèle LE GOAZIGO. THIXOTROPIQUES BOUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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