THIBAULT BERNARD (1959- )
En février 1999, Bernard Thibault a été élu secrétaire général de la Confédération générale du travail (C.G.T.) à l'occasion du 46e congrès confédéral. Âgé de quarante ans, il symbolise le nouveau cours souhaité par la majorité des responsables de la première centrale syndicale française. En effet, il succède à deux dirigeants âgés (Henri Krasucki puis Louis Viannet) qui, durant les années 1980 et 1990, ont symbolisé le déclin de cette organisation (elle est passée de 2 millions d'adhérents en 1978 à 600 000 aujourd'hui), son repli sectaire – elle a rompu avec les autres confédérations et ne participait plus que pour la forme aux négociations collectives – et son alignement sur le Parti communiste français, lui-même très affaibli.
Le cas de Bernard Thibault reste une énigme pour les médias, qui ont insisté sur sa coiffure, sa décontraction ou son humour. En effet, il a toujours été d'une grande prudence, ce qui lui a permis de traverser les crises qui ont secoué la C.G.T. depuis vingt ans et de réussir une brillante et rapide carrière dans l'appareil.
Fils d'un ouvrier de la Ville de Paris, il entre à quinze ans comme apprenti à la S.N.C.F. Il attend pour se syndiquer d'avoir obtenu son C.A.P. de mécanique et son embauche définitive à l'âge de dix-huit ans. Quelques mois après, il est en charge des « jeunes » de son syndicat dont il prend la tête à vingt et un ans. Trois ans après, il est promu secrétaire à l'organisation des cheminots de Paris-Est. Sous un nom anodin, l'organisation occupe une place stratégique dans la C.G.T. : il s'agit d'organiser les réunions, de « suivre » l'activité des niveaux inférieurs et de sélectionner leurs responsables. Ce poste a permis à Bernard Thibault de s'initier aux rites de l'appareil et à la nomenclature implicite des postes qui régit l'univers communiste. Ce fut aussi pour lui l'occasion de constater les ravages du sectarisme. En effet, au début des années 1980, les secrétariats à l'organisation ont été, dans chaque fédération, le principal vecteur de la reprise en main de la C.G.T. par le P.C.F.
En décembre 1986 éclate la grève surprise des agents de conduite de la S.N.C.F. Ce mouvement, déclenché par de jeunes agents souvent non syndiqués, prend de court la plupart des responsables syndicaux et marque le début des « coordinations ». À la gare de l'Est, Bernard Thibault parvient à contrôler la grève, participant aux assemblées générales, intégrant des grévistes non syndiqués dans les délégations chargées de négocier avec la direction, organisant des votes pour les principales décisions. Cette réussite lui vaut de devenir, dès l'année suivante, secrétaire général des cheminots de Paris-Est et membre du bureau fédéral (l'organe dirigeant de la fédération). Trois ans plus tard, il prend les commandes de la fédération des cheminots dont il sera élu officiellement secrétaire général en 1993. À trente ans, il est le plus jeune des dirigeants de premier plan de la C.G.T. : avec 60 000 adhérents, les cheminots forment en effet la troisième fédération derrière celles de l'énergie et des métaux. De plus, il impose un rajeunissement important de la direction fédérale, il enraye les pertes d'adhérents et parvient à établir de bonnes relations avec ses homologues de la C.F.D.T.
La véritable percée de Bernard Thibault date de l'automne de 1995. Le mouvement social de novembre-décembre 1995 valorise la pratique « cheminote », inspirée du précédent de 1986 et opposée à celle des postiers ou des électriciens (à E.D.F. comme à la Poste, les assemblées sont organisées pour la forme et, comme à l'accoutumée, les centres de tri sont bloqués par des poignées de grévistes). Les élections professionnelles sanctionnent logiquement ces différences.[...]
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Écrit par
- Dominique LABBÉ : docteur en science politique, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Grenoble
Classification
Pour citer cet article
Dominique LABBÉ, « THIBAULT BERNARD (1959- ) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Autres références
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CGT (Confédération générale du travail)
- Écrit par Jean BRUHAT, E.U., René MOURIAUX
- 24 355 mots
- 1 média
Avec l'arrivée deBernard Thibault à la tête de la Confédération en février 1999, le « syndicalisme de proposition » devient le nouveau mot d'ordre. Ce recentrage sur l'action revendicative accentue la distance prise à l'égard du monde politique. La volonté de rompre son isolement et de peser effectivement[...]