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BECK BEATRIX (1914-2008)

Belge anti-flamande et ardente francophile, fille d'une Irlandaise et de l'homme de lettres Christian Beck qui mourut quand elle avait deux ans, femme émancipée hors des strictes orthodoxies féministes : autant de raisons qui peuvent expliquer pourquoi Béatrix Beck ne trouva jamais dans le champ littéraire le confort d'une place entièrement légitime.

C'est une femme très âgée qui meurt dans une maison de retraite du Val-d'Oise le 30 novembre 2008, passablement oubliée de tous. Une femme écrivain qui se disait « écrivassière », un néologisme emprunté à Queneau pour désigner son écriture qui, à l'image de l'écrevisse, « ne marche pas droit ». Née en Suisse, belge par son père, un francophile qui avait animé la revue Antée et fut l'ami d'André Gide, elle fit ses études près de Paris et reçut une éducation plutôt chaotique. La faculté de droit de Grenoble aurait dû la mener au barreau si la France ou la Belgique l'y avaient officiellement autorisée. Ses convictions l'amenèrent à adhérer aux Jeunesses communistes, où elle fit la rencontre d'un jeune émigré juif d'origine russe qu'elle épousa en 1936. Tué à la guerre en 1940, celui-ci lui laissa une petite fille de deux ans (présente dans les romans sous le prénom de France). Le malheur s'acharne alors sur la jeune femme : à la nécessité de faire tous les métiers pour survivre s'ajoute le suicide de sa mère. Si l'on retrouve dans ses premiers romans, Barny par exemple (1948), la trace de ces expériences douloureuses, sa condition changea néanmoins de façon significative quand Gide l'engage, six mois avant sa mort en 1951, comme secrétaire littéraire. L'argent qu'il lui laisse lui permet d'achever la rédaction de Léon Morin, prêtre, qui lui vaudra en 1952 le prix Goncourt et un fort succès populaire. Jean-Pierre Melville en réalisa une adaptation en 1961, avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle du prêtre et Emmanuelle Riva dans celui de l'héroïne principale. En publiant dans les années 1950 des romans comme Une mort irrégulière (1950) ou Des accommodements avec le ciel (1954) – dans lesquels se formule l'idée d'un rattachement de la Wallonie à la France –, en se faisant naturaliser française en 1955, elle conforta, selon les analyses de Paul Dirkx, sa position d'écrivain parisien dans le champ littéraire. Journaliste au Figaro littéraire en 1958, elle démissionne du jury du prix Femina quand celui-ci veut récompenser un livre qu'elle juge antisémite. Fidèle à son mode de vie peu conventionnel, elle s'essaiera à l'enseignement aux États-Unis puis au Québec (Noli, 1978).

La romancière construit ses personnages à partir d'éléments autobiographiques recomposés par une narration qui les montre aux prises avec leurs contradictions, voire leurs incohérences. Le style heurté, non conformiste, sans emphase, traduit une vision brutale de l'expérience de vivre. Choisis pour être significatifs d'une société dans laquelle ils sont privés du droit à la parole, ces personnages sont engagés dans une histoire fragmentée qu'ils ne rejoignent jamais tout à fait et qui les renvoie à une solitude inquiète, sans vrais repères. L'héroïne de Léon Morin, prêtre, marxiste et athée, est troublée par le charme paradoxal d'un prêtre et connaît les affres de la conversion au catholicisme et les fantasmes d'une transgression amoureuse qui jamais ne se réalisera. La littérature pour enfants séduit aussi Béatrix Beck qui écrit les Contes à l'enfant né coiffé (1953), qu'elle reprendra dans L'Île dans une bassine d'eau en 1996. L'écriture, au fil des années et tout en restant largement autobiographique, apparaît davantage marquée par le jeu verbal, l'image, la verve de la langue parlée ([...]

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Michel P. SCHMITT. BECK BEATRIX (1914-2008) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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