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SIKELIANOS ANGELOS (1884-1951)

L'idée delphique

Jeune il avait composé, à l'instar de Palamas, son hymne delphique. Cette idée deviendra son souci persistant. Le sanctuaire d'Apollon prendra à ses yeux l'allure d'un lieu idéal pour une renaissance de toute la civilisation occidentale qui, selon lui, avait perdu depuis longtemps ses racines spirituelles. Le premier discours delphique date de 1921 et les fêtes organisées en 1927 et 1930 furent un lointain écho des Jeux pythiques. On y célébra la tragédie grecque. Une série de discours, d'essais, de conférences pédagogiques allant dans le même sens essaieront de consolider cette tentative, capitale pour la vie culturelle et théâtrale grecque, mais dont le projet global était sans doute utopique. Encore que le retentissement en eut été grand, cette entreprise n'eut pas de suite. Toutefois, chez Sikelianos, la préoccupation de communiquer directement avec le grand public est restée intacte et elle trouve une issue dans l'écriture théâtrale. Le Dithyrambe de la rose (1932) annonce un théâtre aux aspects historiques autant que mythologiques. Dédale en Crête (1943), La Sibylle (1944), Le Christ à Rome (1946), La Mort de Digènis (1947), Asclipèos, œuvre posthume et inachevée (1954) en sont les fruits. Pendant que le pays connaît ses propres épreuves (dictature, occupation allemande, guerre fratricide), le poète prêche les idées de liberté et de justice sociale en projetant l'histoire mythifiée sur les événements tragiques. Dans Le Christ à Rome, la figure du Christ, sous le règne romain, intervient, purificatrice et libératrice. Bien qu'il soit écrit pour la scène, l'ensemble de son théâtre s'adresse plutôt au lecteur ; le style oratoire l'emporte sur les qualités dramatiques et le schématisme des oppositions rend le sens trop explicite. De sa prose, il convient de retenir les premiers écrits sur les frontons d'Olympie, la période dite « delphique », jusqu'aux essais sur la nature et la mission du lyrisme. Le texte Prologue à la vie lyrique demeure essentiel pour la compréhension de sa poétique. Une telle œuvre, abondante en réminiscences anciennes, principalement mythologique, syncrétiste par excellence, a déconcerté même les « lecteurs suffisants ». Car cette voix, qui avait commencé par l'euphorie du sensible et qui a fini dans la mystique abyssale, était intempestive. Le pays avait à peine atteint son indépendance, il devenait aussitôt la proie et la victime de l'antagonisme des grandes puissances. D'autres voix ont mieux saisi l'exigence du présent – sinon celle du destin – tel le scepticisme de Cavafy ou le délaissement de Seferis ; leurs fortunes littéraires en témoignent.

Sikelianos, nonobstant les vicissitudes des époques et des modes, restera déterminant pour le peuple néo-hellénique : tant que celui-ci ne renoncera pas à la voie du sacré devant l'uniformité menaçante de la technique, la référence capitale sera la reconnaissance de son œuvre.

— Nicolas LEVENTIS

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Nicolas LEVENTIS. SIKELIANOS ANGELOS (1884-1951) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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