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PIETTRE ANDRÉ (1906-1994)

Après avoir été reçu en 1936 major au concours de l'agrégation de droit (section économie politique), André Piettre inaugura sa carrière universitaire à Strasbourg, en 1937. Fait prisonnier lors de la défaite de 1940, il fut rapatrié sanitaire à la fin de 1942 et enseigna à Clermont-Ferrand (où s'était repliée l'université alsacienne), de 1943 à novembre 1945. La paix le ramena à sa première chaire, et il fut élu en 1952 doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de cette grande université de l'Est. Il enseigna ensuite à Paris de 1953 à sa retraite en 1976. Entre-temps, l'Académie des sciences morales et politiques l'avait accueilli en 1971.

On peut résumer la vie et l'œuvre d'André Piettre par une remarque de Stuart Mill : “Un économiste qui ne serait qu'économiste serait un bien médiocre économiste.”

En effet, toutes ses réflexions, l'ensemble de ses écrits ont été marqués par un profond humanisme chrétien et par sa passion pour l'histoire des civilisations. Mais l'“appel au réel” — un effort de connaissance des faits économiques et des politiques qu'ils ont suscitées — restera le leitmotiv constant de sa pensée, son approche personnelle de la complexité des hommes et des choses.

En 1952, il donne L'Économie allemande contemporaine. Il avait été frappé par le redressement de la république fédérale d'Allemagne. Il recensait dans cet ouvrage tous les paramètres de ce qui fut appelé plus tard le miracle allemand et présentait un modèle d'étude exhaustive, révélateur de son goût pour la recherche des faits et des statistiques qui commandent la réflexion.

Plus tard, en 1967, dans Monnaie et économie internationale du XIXe siècle à nos jours, il livra un véritable travail de bénédictin en observant le système classique du début du xixe siècle à 1914, et le dérèglement de ce système dans l'entre-deux-guerres.

L'occultation de l'histoire durant ces dernières décennies restait l'une de ses préoccupations constantes. Il aurait pu faire sienne cette remarque de Winston Churchill : “Ceux qui voient loin derrière eux voient loin devant eux et aucun oculiste ne viendra jamais me contredire.” La montée de l'abstraction dans le monde moderne l'inquiétait, il en ressentait l'aspect désincarné, et le règne nouveau et dominateur de l'économétrie, approche nécessaire mais pas toujours suffisante, heurtait sa conception humaniste de la science économique.

La théorie économique retint cependant de sa part une attention passionnée puisqu'il lui consacra une étude sans cesse remise à jour et qui connut un grand succès d'édition, Pensée économique et théories contemporaines. Il y mettait en perspective les développements les plus récents de la pensée économique avec l'évolution des structures économiques et sociales.

Dans Marx et marxisme (1970), il confrontait la philosophie marxiste, la critique du capitalisme et la révolution marxiste (réalisée). La lecture de cet essai prend aujourd'hui, encore plus qu'hier, son véritable sens.

C'est en 1964 qu'André Piettre termine l'ouvrage auquel sans doute il tenait le plus, Les Trois Âges de l'économie. Il organisa sa recherche sur l'existence d'un cycle ternaire de l'évolution : “Les civilisations naissent dans le sacré, elles s'exaltent dans la liberté, puis s'épuisent dans l'étatisme.” Il existe donc non pas un, mais plusieurs régimes économiques, en liaison étroite avec les époques qu'ils reflètent. Un régime universel n'existe pas. Source féconde de réflexion, approche originale de l'histoire de l'humanité, le livre éveilla un intérêt passionné et, s'il déclencha éloges et critiques, la richesse de sa documentation en fit bientôt un ouvrage de référence. L'essai était prémonitoire. Il dénonçait dans un troisième[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Pour citer cet article

Henri MERCILLON. PIETTRE ANDRÉ (1906-1994) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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