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CALVOS ANDRÉ (1792-1867)

Une rencontre qui ne s'est pas faite

À la parution des odes, les Philhellènes, Népomucène Lemercier, Firmin Didot, le Constitutionnel, la Revue encyclopédique saluent le réveil des lettres grecques et placent Calvos en tête des chantres de la liberté. Celles qu'il dédie à Canaris, à Botzaris, à Byron, à Psara, rencontrent l'intérêt passionné de tous les libéraux que comptent le monde et la France de Charles X. Reprenant l'adresse à La Fayette, Calvos promettait, dans une note, qu'il ne cesserait, vivant, de célébrer les triomphes remportés sur « les impitoyables tyrans de la patrie ». Et, s'il ne fut pas empressé, l'accueil de ses compatriotes fut loin d'être négatif. Comment expliquer le silence abrupt de Calvos ?

Unanimes à reconnaître en lui un grand poète, les théoriciens de la poésie moderne évoquent les exemples de Rimbaud et de Lautréamont ; ils parlent de « sa place unique sur l'îlot de son originalité », d'un grand homme venu trop tôt pour la Grèce. Les biographes rappellent le conflit, mieux, le décalage, chez Calvos, entre une vie intérieure désespérée, peuplée d'ombres romantiques et la tentative de chanter la douloureuse accession d'un peuple à la liberté. Sur le plan des idées, Calvos rejoint sont temps, mais il échoue à le rejoindre en poète ; son propre univers intérieur le conduit à une impasse.

Les fidèles de la tradition solomiste insistent à l'envi sur le caractère livresque de ses émotions ; ils l'accusent d'avoir voulu, pour mieux le reconnaître et pour mieux le sentir, revêtir de formes antiques le présent, aussi glorieux fût-il. Langue hétéroclite, mensonge poétique, pâle traduction littéraire de la vie, tels seraient les traits essentiels de l'œuvre de cet intellectuel occidentalisé qui n'aurait guère su, au contact de la Grèce insurgée, à la vue des discordes d'un peuple affamé, illettré, livré au brigandage et à la servitude, que se draper dans son idéalisme, dans sa vertu civique offensée, se retirer de la lutte, pire, s'enfermer en lui-même.

Une explication plus sereine bien que profondément admirative, plus juste sans doute aussi, est celle de Séferis : « Avec les matériaux qu'il avait à sa disposition, et quoique ces matériaux fussent étrangers et hostiles, il a pu sauver une physionomie. Il nous reste la physionomie de Calvos... Rien qu'on puisse offrir comme un poème entier à quelque audition. Des fragments seulement, et notre dévotion. »

— Stratis TSIRKAS

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Pour citer cet article

Stratis TSIRKAS. CALVOS ANDRÉ (1792-1867) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GRÈCE - Langue et littérature

    • Écrit par Christophe CHICLET, André MIRAMBEL, Panayotis MOULLAS
    • 7 317 mots
    ...siècle ce que l'on appelle l'école de l'Heptanèse. Il faut néanmoins noter quelques exceptions : A. Lascaratos (1811-1901), A. Valaoritis (1824-1879) et A.  Calvos (1792-1869), contemporain et compatriote de Solomos, mais qui se situe aux antipodes de celui-ci. Archaïste, tout ensemble classique et préromantique,...

Voir aussi