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ADONIS ‘ALĪ AHMAD SA'ĪD dit (1930- )

Le poète arabe Adonis est né en Syrie, à Djabla, près de Lattaquié, dans une famille de paysans montagnards. C'est vers 1948 qu'il signe ses premiers poèmes du pseudonyme sous lequel il deviendra célèbre. Il achève des études de philosophie en 1954 à Damas, où il fréquente assidûment les salons littéraires, notamment celui des Khoury. Au cours de cette période, il s'acharne à apprendre le français et découvre Max Jacob, Supervielle, Henri Michaux. Il s'installe en 1957 à Beyrouth, où il crée avec le poète Yūsuf al-Khāl la revue Shi'r (Poésie) qui publiera des textes fondamentaux. Il se lie, en 1958, avec Badr Shākir as-Sayyāb, dont il publie Unshūdat al-Maṭar. Au cours d'un séjour à Paris, il fait la connaissance de Prévert, de Jouve, de Bonnefoy, de Follain, de Henri Thomas, d'Emmanuel, poètes qu'il traduira dans sa revue. En 1968, il se sépare du groupe Shi'r et crée Mawaqif. À partir de 1971, il devient professeur à l'université et enseigne à Beyrouth puis à Paris, avant de devenir fonctionnaire international chargé de problèmes culturels arabes.

Adonis est probablement celui qui a questionné la culture et la langue arabes avec le plus de passion. Il le fait aussi bien dans son œuvre, l'une des plus importantes de ce demi-siècle, que dans ses analyses critiques, ou encore à travers l'orientation donnée aux deux revues qu'il a dirigées. Son rapport avec la langue est existentiel : il veut la « changer », la travailler comme elle ne le fut jamais pour y forger une autre image du monde. En elle se déroulent les opérations d'une alchimie obscure, mais fertile en métamorphoses. En elle s'entreprend un voyage rendu perpétuel par le déplacement des horizons du sens.

Il y a, en la pensée d'Adonis, une double nécessité, celle d'une déchirure et celle de la renaissance qui suivra. Opposition qui structure bien des images où s'étreignent l'amour et la mort, le temps et le monde, l'espérance et la réalité. Ainsi la poésie n'a-t-elle d'autre fonction que d'être l'écriture du monde, sa palpitation secrète. La langue, dans ses entrelacs, en tisse la conscience. Et c'est pourquoi surgissent ici les grands mythes, lieux de mémoire où se rassemble la parole. Et c'est pourquoi, aussi, cette écriture semble toujours un flux cherchant où s'engouffrer. Écriture d'inquiétude, toujours marquée d'une simplicité essentielle, souplement construite pour permettre la spirale propre aux désirs qui se lovent. Chaque poème s'avance en sa forme particulière sans attenter à la prolificité du sens. Adonis a retenu la leçon des grands mystiques musulmans et de leurs illuminations. Ainsi se déploie l'œuvre (Premiers Poèmes, 1957 ; Les Chants de Mihyār le Damascène, 1961 ; Le Livre des métamorphoses dans les régions du jour et de la nuit, 1965 ; Le Théâtre et les miroirs, 1968 ; ou encore Le Livre de l'encerclement, 1985 ; Célébration des choses claires et obscures, 1988) de celui qui a voulu un texte arabe nouveau et qui ressent si amèrement les difficultés de cette naissance. Mihyār n'a pas encore achevé sa quête. À preuve des recueils tels que Le Temps des villes (1990), Commencement du corps, fin de l’océan (2004), La Forêt de l’amour en nous (2009), que complètent de nombreux essais (La Prière et l’épée, essai sur la culture arabe, 1993 ; Le Livre I et II, 2007 et 2013). Même si le langage frôle, parfois, le procédé ou cède à l'effet, il restera de cette œuvre des poèmes qui habiteront la mémoire arabe.

— Jamel Eddine BENCHEIKH

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Pour citer cet article

Jamel Eddine BENCHEIKH. ADONIS ‘ALĪ AHMAD SA'ĪD dit (1930- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARABE (MONDE) - Littérature

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Hachem FODA, André MIQUEL, Charles PELLAT, Hammadi SAMMOUD, Élisabeth VAUTHIER
    • 29 245 mots
    • 2 médias
    Lepoète Adonis (né en 1930) en est l'un des acteurs, participant à la création des revues et aux débats théoriques qui animent leurs colonnes. Il appelle à fonder une écriture nouvelle, totalement détachée du passé de la poésie arabe, et qui s'ouvre sur l'universel. Car le poète arabe ne peut occulter...

Voir aussi