PARODI ALEXANDRE (1901-1979)

Haut fonctionnaire, auditeur au Conseil d'État dès 1926, Parodi a occupé la vice-présidence de la Haute Assemblée de 1960 à 1971. Né à Paris, descendant d'un député de 1848, fils de Dominique Parodi, inspecteur général de l'Instruction publique, philosophe et membre de l'Institut, Alexandre Parodi, légiste républicain, est apparu dans toute sa stature aux temps difficiles de l'Occupation.

« L'air timide, l'œil froid, la parole discrète, le geste rare, il ne paraissait guère, à première vue, destiné à entraîner les cœurs derrière lui. Pourtant sa droiture, son courage et peut- être sa réserve même lui ont gagné », selon les termes d'Emmanuel Monick qui fut l'un d'eux, « la confiance des résistants ». C'est ce qui lui permit, en 1944, de remplir avec succès la mission de délégué général en France occupée du Comité français de la libération nationale (C.F.L.N.). En le désignant à ce poste, le général de Gaulle marquait son souci de préparer le ralliement de l'Administration au moment voulu, et sa volonté d'être représenté par un résistant n'appartenant en propre à aucune tendance.

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Frère du magistrat René Parodi, arrêté par les Allemands en février 1942 et retrouvé pendu dans la prison de Fresnes, Alexandre Parodi était, depuis l'été de cette même année, Quartus, l'un des quatre experts du Comité général d'études constitué par Jean Moulin. Il y avait notamment étudié les problèmes de l'information et de la justice et essayé de déterminer la façon dont il conviendrait de les régler à la Libération.

Son expérience de maître des requêtes au Conseil d'État lui avait permis de préparer des projets de réformes juridiques et sociales.

Son indépendance lui avait aussi valu d'être désigné comme président de la commission qui élabora les textes du Cahier bleu pour préparer les séquestres des journaux ayant paru sous l'Occupation (618 cas pour 912 titres) et prévoir la publication de nouveaux organes d'information.

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Déployant dans ses travaux « beaucoup de zèle et de soins », il se fait remarquer par son souci d'impartialité qui constitue sans doute un des éléments du choix d'Alger au printemps de 1944. Il fait le lien entre le Comité général d'études et la délégation pour mieux préparer la Libération. Les soucis d'unité doctrinale et d'efficacité technique inspirent le choix des futurs responsables administratifs. Parodi impose une priorité en faveur des hommes « capables d'autonomie, d'efficacité » et leur donne pour instructions fondamentales « de se débrouiller, d'affirmer l'autorité, d'éviter les excès ». Il approuve dans cet esprit les consignes envoyées clandestinement aux futures autorités des régions libérées. Il dirige également l'action des secrétaires généraux provisoires et accepte de désigner l'avocat communiste Willard pour le ministère de la Justice.

Comme la plupart des membres de la délégation, il ne redoute pas en effet une prise de pouvoir du P.C.F. et croit, dans l'esprit du C.F.L.N., à la relative intégration de celui-ci. Au temps de Parodi, la délégation, même si elle ne dispose que de blancs-seings partiels, représente le pouvoir gaulliste en métropole. La réunion des délégués et des secrétaires généraux fait figure de gouvernement. Le délégué général doit trancher sans savoir toujours ce que le gouvernement provisoire d'Alger souhaite exactement. Mais ses prérogatives sont renforcées, le 12 août 1944, par sa nomination de « commissaire délégué à l'administration des territoires occupés ». Il lui faut, cependant, continuer d'inspirer confiance aux résistants dont dépend la prise des ministères au moment de l'insurrection de Paris. Partisan de la trêve pendant l'insurrection parisienne, le 21 août, il conciliera la nécessité de sa rupture et l'adoption de mesures de prudence pour le contrôle des services publics avant l'arrivée des troupes du général Leclerc de Hauteclocque. Le 22 août, il réunira à l'hôtel Matignon les secrétaires généraux et préparera l'installation officielle à Paris du gouvernement.

De septembre 1944 à novembre 1945, Parodi, qui avait été directeur général du Travail et de la Main-d'œuvre en 1939-1940, est ministre du Travail et « tisse patiemment et malaisément la toile de Pénélope que constitue l'échelle des salaires ». Dans ce même ordre de préoccupations, il sera, en 1961, délégué du gouvernement français au conseil du Bureau international du travail. Entre-temps, élevé à la dignité d'ambassadeur de France, il représente la République française au conseil consultatif pour les affaires italiennes et au Conseil de sécurité des Nations unies (1946-1949), au conseil de l'O.T.A.N. (1956-1957), au Maroc (1957-1960). Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères de 1949 à 1954, il succède à René Cassin à la tête du Conseil d'État en octobre 1960. Pendant plus de dix ans, il y contribue à la simplification des procédures, à la modernisation des pratiques et donc à l'humanisation administrative.

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Élu en mai 1970 membre de l'Académie des sciences morales et politiques, Parodi a fait preuve jusqu'à sa mort, le 15 mars 1979, des qualités qui avaient fait de ce haut magistrat républicain soucieux d'ordre et de légalité, le responsable de l'insurrection nationale et l'artisan discret du succès de l'installation à Paris du général de Gaulle – de ce même Charles de Gaulle aux côtés duquel, le 26 août 1944, il avait descendu les Champs-Élysées en rendant le peuple à lui-même « par le spectacle de sa joie et l'évidence de sa liberté ».

— Charles-Louis FOULON

Bibliographie

D. de Bellescize, Les Neuf Sages de la Résistance, Plon, Paris, 1979 / C.-L. Foulon, Le Pouvoir en province à la Libération, Presses de la Fond. des sci. pol., Paris, 1975.

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Écrit par

  • : docteur en études politiques et en histoire, ancien délégué-adjoint aux célébrations nationales (ministère de la Culture et de la Communication)

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