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DECAMPS ALEXANDRE (1803-1860)

Dans une lettre autobiographique adressée en 1854 au docteur Véron (Les Mémoires d'un bourgeois de Paris), Alexandre Decamps nous apprend qu'il est né à Paris, dans une famille d'origine picarde. Une vague formation chez le peintre d'architecture Étienne Bouhot, puis chez Abel de Pujol, n'influence pas le peintre autodidacte qui hésite un moment entre Ingres, qu'il admire sincèrement, et Delacroix, qu'il jalouse. La vie sans histoires de ce travailleur acharné est marquée par un voyage à Smyrne, en 1827 et 1828, qui fera de lui l'« inventeur de l'Orient » dans la peinture française. Il meurt d'un accident de cheval en forêt de Fontainebleau.

« Decamps, c'est d'abord une magnifique carrière. » La jolie formule de Pierre du Colombier (Decamps, 1928) ne doit pas faire oublier les vicissitudes par lesquelles passe l'artiste. Certes, accueilli favorablement par la critique, il vend bien, et cela très jeune ; une bonne part de sa production, par suite de donations de ses mécènes, est bien représentée dans trois musées (musée Condé, Chantilly ; musée du Louvre ; Wallace Collection, Londres). Mais le peintre, très sensible aux critiques des Salons (les tableaux exposés aux Salons de 1846 et de 1851 sont jugés sévèrement) et toujours soucieux de plaire, est un grand inquiet. L'aigreur envers l'État qui ne lui passe pas de commandes, le doute qui l'envahit sur la direction qu'il a donnée à son œuvre, le fond d'inquiétude de son caractère qui lui fait recommencer indéfiniment ses toiles, la mauvaise santé, le dégoût de la vie, l'ennui, tout cela le pousse à plusieurs reprises à fuir Paris (1844-1845 ; fin 1852-1854). On assiste à un retour en faveur auprès du public avec l'Exposition universelle de 1855. Après cette date, nous rencontrons surtout des réminiscences d'œuvres anciennes.

Il est aisé de recenser les thèmes de Decamps, qui a commencé sa carrière d'artiste par la caricature politique. Tous les sujets lui sont bons : scènes populaires, mendiants, enfants, chiens, singes savants, sujets orientaux, scènes de chasse, paysages, sans aucun souci de la beauté chez ce romantique assagi. Il ressasse constamment les mêmes sujets, dans les mêmes formats.

« Decamps, inventeur de l'Orient ! » C'est à la suite de son séjour à Smyrne (le gouvernement l'a envoyé en Orient en 1828, avec le peintre Garneray, pour commémorer par un tableau la bataille de Navarin) que Decamps se fait une spécialité de la peinture orientale. En vérité, il y avait sans doute entre Decamps et l'Orient une harmonie préétablie, car, en 1826, il exposait déjà à la Société des amis des arts Un Turc se reposant contre un pilier d'architecture sarrasine. C'est de ce bref séjour (à peine deux ans) qu'est né tout l'orientalisme français, car jamais Decamps ne retournera en Orient, travaillant toute sa vie sur les souvenirs qu'il en a gardés. De 1831 à 1855, Decamps envoie régulièrement aux Salons des toiles orientalisantes, dont on peut indiquer quelques titres : Cadji Bey, ou la Patrouille turque (1831), La Défaite des Cimbres (1833, Louvre), Paysage turc (1833, Chantilly), Les enfants turcs jouant avec une tortue (1836, Chantilly), Le Supplice des crochets (1839, Wallace Collection, Londres), le Porte-Étendard turc (1839, Chantilly), Cavalerie turque asiatique traversant un gué (aquarelle, 1848, Chantilly). L'Orient est une révélation pour lui. Ses tableaux traduisent son enchantement ébloui devant des paysages de soleil, vibrants, vigoureux, coupés violemment d'ombres opaques et de clartés aveuglantes, sa passion pour la nouveauté des mœurs, le pittoresque des costumes, l'éclatante diversité des étoffes. Il rapporte de l'Orient une vision réelle, s'évertuant à restituer l'image véritable de cette contrée, avec ses lèpres[...]

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Pour citer cet article

Arnauld BREJON DE LAVERGNÉE. DECAMPS ALEXANDRE (1803-1860) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<it>Don Quichotte et Sancho Pança</it>, A. Decamps - crédits :  Bridgeman Images

Don Quichotte et Sancho Pança, A. Decamps

Autres références

  • ORIENTALISME, art et littérature

    • Écrit par Daniel-Henri PAGEAUX, Christine PELTRE
    • 10 996 mots
    • 8 médias
    ...les années 1830 sont riches d'expériences qui marquent un tournant dans l'orientalisme, où se confrontent l'imaginaire et la réalité. Alexandre-Gabriel Decamps (1803-1860) rapporte de son séjour à Smyrne en 1828 des scènes de genre contrastées, gouvernées par les oppositions violentes d'ombre et de lumière,...

Voir aussi