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MERIKANTO AARRE (1893-1958)

Le compositeur finlandais Aarre Merikanto apparaît comme le principal représentant du modernisme finlandais des années 1920. Il se heurtera pourtant de son vivant à l'incompréhension de la part de l'establishment musical de son pays, qui rejettera ses œuvres les plus novatrices, ce qui bridera son génie créateur, le conduira à détruire ou à mutiler certaines de ses compositions et à adopter une démarche plus académique.

Né le 29 juin 1893 à Helsinki, Aarre Merikanto est le fils de l'organiste, chef d'orchestre et compositeur Oskar Merikanto (1868-1924). En 1911, il entame ses études musicales au conservatoire d'Helsinki, où il a notamment pour professeur Erkki Melartin ; il les poursuit au conservatoire de Leipzig (1912-1914), où son père avait également étudié. Avant son départ pour l'Allemagne, Aarre Merikanto a terminé Helena, un mélodrame en un acte dont il détruira plus tard la partition. À Leipzig, Aarre Merikanto a pour maîtres Stephan Krehl et, surtout, Max Reger, qui lui apprend l'art du contrepoint ; mais il y a plus important : Reger fait comprendre au jeune Merikanto qu'un musicien n'arrive jamais au sommet de son art sans technique. Merikanto regagne la Finlande en 1914 puis, en 1915 et 1916, complète ses études à Moscou sous la direction de Sergueï Vasilenko. C'est dans une Finlande renaissante sur le plan culturel – le pays se libère à cette époque de l'emprise russe – que Merikanto entame sa carrière de compositeur. Il écrit son Premier Concerto pour piano (1913), son Premier Concerto pour violon (1915), la suite symphonique Lemminkäinen (1916), sa Première Symphonie (1914-1916), dédiée à son père, son Premier Concerto pour violoncelle (1919), et sa Deuxième Symphonie, sous-titrée « Sotasinfonia » (« Symphonie de guerre », 1918).

Entre 1920 et 1922, il écrit un opéra en trois actes, Juha, drame triangulaire entre un mari, Juha, son épouse Marja et le séducteur Shemeikka. Avec cette œuvre, composée pour la soprano finlandaise Aïno Ackte, qui en écrit le livret d'après la nouvelle de Juhani Aho, Merikanto apparaît immédiatement comme un compositeur dramatique accompli. Jamais la Finlande, qui n'avait produit jusque-là que très peu d'opéras – le premier, Kaarle kuninkaan metsästys (La Chasse du roi Karl), de Fredrik Pacius, a été créé à Helsinki le 24 mars 1852 –, n'a connu un ouvrage aussi coloré sur le plan orchestral. Hélas, la direction de l'Opéra national finlandais ne verra que les difficultés de réalisation de cette œuvre et en proposera une version simplifiée avec un orchestre allégé, ce qui fera perdre à l'ouvrage toute sa profondeur dramatique (Juha ne sera créé à la scène, dans sa version originale, que le 28 octobre 1963, à Lahti, après une version de concert donnée à la Radio finlandaise le 3 décembre 1958, deux mois après la mort du compositeur). Écœuré, Merikanto, qui apparaissait comme la figure de proue de la dramaturgie lyrique finlandaise, ne composera plus jamais d'opéra. Ironie de l'histoire, Juha est devenu un des opéras emblématiques de la Finlande.

La période la plus féconde de Merikanto correspond aux années 1920, qui vont voir naître des pièces marquées par une grande originalité, tant sur le plan formel que sur le plan technique. Mais, toujours en retard ou en avance sur son temps, Merikanto semble condamné à un perpétuel anachronisme. Sa fantaisie pour orchestre Fantasia orkesterille (1923), première œuvre finlandaise composée pour un orchestre aussi important que ceux d'un Bruckner ou d'un Mahler, ne sera créée qu'en 1952. Dans cette pièce, le compositeur ne développe pas ses idées de manière organisée mais laisse libre cours à sa fantaisie, donnant une première impression de morcellement continu et d'éparpillement de la matière sonore. Cette partition ne comporte ni[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

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Pour citer cet article

Juliette GARRIGUES. MERIKANTO AARRE (1893-1958) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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