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YANG JIANG (1911-2016)

Yang Jiang, après avoir longtemps vécu dans l'ombre de son mari, Qian Zhongshu (1910-1998), s'est révélée au public occidental comme un des meilleurs témoins de l'humiliation infligée aux intellectuels sous le régime communiste.

Yang Jiang, dont le nom d'origine est Yang Jikang, est née à Pékin le 17 juillet 1911, dans une famille de huit enfants, originaire de Wuxi (Zhejiang), dont elle était la quatrième fille. Son père, Yang Yinkang (1878-1945), grand amateur de phonologie antique, fut un homme de loi célèbre, qui s'essaya un temps au journalisme et à la politique. La plus jeune de ses sœurs, Yang Bi (1922-1968), a traduit notamment Thackeray et Maria Edgeworth. Yang Jiang a passé sa prime enfance à Pékin et à Shanghai, et aussi à Suzhou (Zhejiang) où elle accomplit sa scolarité secondaire et une partie de son cursus supérieur. Son père l'ayant dissuadée de faire son droit, elle tâtera des sciences politiques, avant d'opter pour la littérature, tout en s'initiant au français en autodidacte. Diplômée en 1932 de l'université Dongwu de Suzhou, elle s'inscrit en 1933 à l'université Qinghua de Pékin, au département des langues étrangères. C'est là qu'elle fait la connaissance de celui qui va devenir son compagnon, le célèbre lettré Qian Zhongshu (1910-1988). C'est aussi de cette époque que datent ses premières publications : la version chinoise d'un article de F. S. Martin, « Le communisme est-il inévitable ? » (1933), et une nouvelle, « Lulu, bu yong chou ! » (Lulu, ne t'en fais pas !, 1935). À l'été de 1935, après avoir obtenu sa licence ès lettres, elle se marie et part pour l'Angleterre. Elle fréquente, avec Qian Zhongshu, l'université d'Oxford, puis, durant l'été de 1937, la Sorbonne, à Paris, mettant à profit son séjour en Europe pour se familiariser avec la littérature occidentale. Après quoi, en octobre 1938, le couple rentre au pays et s'installe à Shanghai, alors occupé par les Japonais, avec leur fille, Yuan Yuan (1937-1997). De 1939 à 1941, Yang Jiang sera directrice d'une école secondaire de filles, et, de 1946 à 1949, elle enseignera au département des langues étrangères de l'institut littéraire et scientifique de filles de l'université l'Aurore. Dans l'intervalle, elle se consacre au théâtre, donnant plusieurs pièces, qui seront montées à Shanghai ou à Pékin : Chenxinruyi(1942, Les Vœux comblés), Ni xin ru yi (1944, À vos souhaits), Youxirenjian(1944, Monde taquin, 1944) – dont le texte a été perdu –, Nongzhenchengjia(1945, Quand le vrai devient faux), Feng xu(1947, Chatons emportés par le vent).

En septembre 1949, juste avant que ne soit fondée la République populaire, la famille se transporte à Pékin, Yang Jiang ayant été nommée professeur à l'université Qinghua, au département des langues occidentales. À compter de ce moment, et jusqu'à la révolution culturelle, Yang Jiang et Qian Zhongshu vont connaître le sort ordinaire que les autorités chinoises réservent à leur élite, celui de la rééducation ou de la refonte des esprits. Envoyés à la campagne au début des années 1950, contraints, lors du mouvement des « trois anti », de prendre un « bain », c'est-à-dire de se purifier – expérience que Yang Jiang retracera plus tard dans son unique roman, Xizao(1988, Le Bain, trad. franç. 1992) –, exilés derechef chez les paysans pauvres à l'époque du Grand Bond en avant, ils n'échapperont à aucune des vagues de critiques. Il est vrai que Yang Jiang et son époux cumulent une double tare aux yeux des dirigeants communistes : formés dans l'ancienne société, et donc supposés être imprégnés d'idéologie féodale, ils se sont frottés de surcroît aux impérialistes étrangers.

En 1953, Yang Jiang est transférée[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Université, université Bordeaux Montaigne

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Pour citer cet article

Angel PINO. YANG JIANG (1911-2016) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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