Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

FOLENGO TEOFILO (1491-1544)

Connu sous les divers pseudonymes de Merlino Coccajo, Merlin Coccaie, par lequel le désigne Rabelais, ou Limerno Pitocco, c'est-à-dire « le Gueux », Folengo est une des figures les plus représentatives et l'un des écrivains les mieux doués de son époque. Né à Mantoue, bénédictin à vingt ans, Teofilo jette son froc aux orties en 1524. Sur les raisons de ce geste, les commentateurs ne sont pas d'accord : horreur pour la corruption du clergé ou goût très personnel pour la licence ? Il s'enfuit du couvent traînant pendant dix ans à travers l'Italie la femme qu'il avait séduite et... sa misère. Les deux explications, se plaçant sur des plans distincts, ne sont pas tellement contradictoires. Son poème héroï-comique, Orlandino (1526, L'Enfance de Roland, auquel Rabelais empruntera maints détails de l'enfance de Pantagruel), et surtout son bizarre Caos del Triperuno contiennent en effet un exposé fort clair de sa position philosophique : il y professe des doctrines proches du luthéranisme.

Ce dernier ouvrage, récit de ses aventures et de ses errements, est du reste aussi celui de sa conversion ; car ne voulant pas rompre avec l'Église romaine, il fait sa soumission, rentre au monastère où il finit en dévotion. Sa retraite ne l'empêche pas de travailler à sa grande œuvre Baldus qui, des dix-sept livres que présentait la première édition (1517), en atteignit vingt-cinq. Ce poème épique et burlesque est inspiré de Boiardo, d'Arioste et surtout de Pulci. Rabelais, qui admirait le talent de Folengo, y puisera abondamment. Le poème est écrit en style macaronique, mélange de mots latins et de mots italiens à terminaisons latines, sans compter de multiples emprunts au dialecte mantouan et à ceux de l'Italie du Nord. L'étincelant et savoureux jeu verbal, la folle cocasserie cachent des intentions parodiques, une satire de la société, spécialement du monde ecclésiastique, des idées philosophiques. De ce style macaronique qui moque le pédantisme et la cicéromanie de maints humanistes, Folengo passe à tort pour être l'inventeur. Ce qui est vrai, c'est qu'il fut le premier à utiliser le procédé avec une telle fantaisie et un tel bonheur. Longtemps oubliée en Italie, cette tradition resurgit à notre époque chez un écrivain comme Carlo Emilio Gadda, qu'on a songé à comparer à Rabelais, mais non à son compatriote. Peut-être parce que le genre littéraire adopté par Folengo, la versification presque impeccable et la façade de la dignité épique masquent certaines incontestables affinités, mais en même temps invitent le critique à une circonspection justifiée dans les rapprochements.

— Angélique LEVI

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ingénieur de recherche en littérature générale et comparée à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle, traductrice

Classification

Pour citer cet article

Angélique LEVI. FOLENGO TEOFILO (1491-1544) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MACARONIQUE, littérature

    • Écrit par Jean-Michel GARDAIR
    • 591 mots

    Forme de poésie burlesque jouant du mélange de formes dialectales et d'un latin d'origine savante ou liturgique, mais volontairement truffé de barbarismes et de solécismes (le terme de macarón désigne à l'origine à la fois une nourriture grossière et le rustre qui la mange, puis...

  • RABELAIS FRANÇOIS (1483 env.-1553)

    • Écrit par Françoise JOUKOVSKY
    • 9 611 mots
    • 2 médias
    ...dialogue avec les anciens semble marquer l'œuvre plus profondément que ne le fait la lecture des récits modernes. Certes, Rabelais a lu le Baldus de Teofilo Folengo, paru en 1517, une épopée burlesque dont il se souvient dans le Quart Livre. Les protagonistes du Baldus rencontrent eux aussi un monstre...

Voir aussi