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CLARKE SHIRLEY (1925-1997)

À l'image de Martin Scorsese dans la sphère hollywoodienne ou Jonas Mekas dans l'avant-garde, Shirley Clarke tint une place primordiale dans le cinéma indépendant américain contemporain : celle de praticienne et de figure de référence. Elle réalisa des films et des bandes vidéo, mais réfléchit aussi sur sa pratique et encouragea ceux qui voulurent suivre sa voie, notamment par l'enseignement qu'elle dispensa à l'école du cinéma de l'université de Californie (U.C.L.A.) à partir de 1976.

Fille d'un industriel juif new-yorkais et d'une mère polyglotte, Shirley Brimberg commence à exister intellectuellement lorsqu'elle découvre, à quatorze ans, l'univers de la danse. De 1942 à 1946, elle se produit avec diverses compagnies, puis épouse Bert Clarke, un homme bien plus âgé qu'elle mais qui l'aidera beaucoup dans sa vie et sa carrière. En 1948, à la suite de la naissance de leur fille, Shirley Clarke est très malade. Elle se rend alors compte qu'elle ne sera jamais une Martha Graham. Après avoir vu de nombreux films sur l'univers de la danse, qu'elle trouve tous très mauvais, elle se lance dans la réalisation de films « chorégraphiés », dans lesquels elle essaie de trouver un rythme qui rende justice au travail des danseurs : Dance in the Sun (1953), Bullfight (1955), A Moment in Love (1957). Avec Bridges-Go-Round (1958), qui saisit de manière rythmée et musicale les ponts de Manhattan, Shirley Clarke se rapproche du cinéma expérimental.

Fuyant les orthodoxies, elle va trouver sa voie avec son premier long-métrage The Connection (1961). Tiré d'une pièce de théâtre de Jack Gelber, jouée par le Living Theatre, et qui décrivait l'attente angoissée par quelques héroï•nomanes de leur fournisseur, le film devient, par l'adjonction dans sa trame d'un cinéaste et de son assistant souhaitant faire un reportage sur le sujet, une réflexion sur l'éthique cinématographique en même temps qu'un portrait saisissant de quelques marginaux proches de la beat generation. Le film fut interdit durant un an aux États-Unis : le code Hayes étant encore en vigueur, il était malséant de traiter de la drogue.

Après la drogue, Shirley Clarke aborde, dans son film suivant, Harlem Story (The Cool World, 1963), les dures conditions de vie des jeunes Noirs à travers une fable qui se moule dans les habits du cinéma-vérité. On suit le périple de Duke, un gamin de quinze ans qui veut posséder un revolver pour être respecté par les garçons de sa bande ; il a en même temps une brève liaison avec une jeune prostituée. Filmé caméra à l'épaule avec du matériel 35 mm, Harlem Story demeure l'œuvre phare de Shirley Clarke. Elle anticipe de quelques années la naissance du nouveau cinéma afro-américain (celui de William Greaves ou de Haile Gerima) en dépeignant, sans fard, les pensées et les rites des jeunes du ghetto.

Shirley Clarke réalise de nombreux documentaires et courts-métrages avant d'élaborer sa troisième œuvre maîtresse, Portrait of Jason (1967) : les confessions, durant douze heures (pour un film de 105 minutes), d'un homosexuel noir. Désormais, elle est une des figures de proue de la nouvelle modernité. Agnès Varda lui fait jouer son propre rôle dans Lions Love (1969).

Shirley Clarke veut alors tenter l'expérience hollywoodienne. Mais les studios se méfient d'elle. Elle va essuyer de nombreux déboires et finira par se tourner vers la vidéo – un nouveau médium, plus souple que le film, et dont elle assimile la pulsion créatrice au free jazz. Elle se rend en 1976 sur la côte ouest pour enseigner la vidéo et la télévision expérimentale à l'U.C.L.A. Elle revient une dernière fois au long métrage en 1985, avec Ornette : Made in America, consacré au musicien de jazz Ornette Coleman, et qui mêle vieux plans documentaires,[...]

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Raphaël BASSAN. CLARKE SHIRLEY (1925-1997) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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