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GOLDIN NAN (1953- )

La vie des autres, en diaporama

Ses premières photographies, en noir et blanc, prises en lumières d'ambiance, s'attachent aux êtres plus qu'à la scène : séances de préparation et de maquillage des travestis, sorties de bars dans les rues de Boston. Ainsi commence l'œuvre d'une jeune femme qui ne pense pas encore à faire carrière, même si, après avoir été la photographe de la Satya Community School, elle devient celle de l'Other Side. Modèles privilégiés, David, Ivy ou Kenny restent avant tout des amis, et la photographie un geste d'intimité. Le succès de ses images, sensibles et vraies, incite Nan à s'inscrire en 1972 à la School of the Museum of Fine Arts de Boston. En une année, sa marque et son style prennent forme : la photographie passe du noir et blanc à la diapositive en couleurs, souvent projetée entre amis, parfois tirée sur support Cibachrome. Joint aux lumières d'ambiance, le flash permet une approche instantanée, parfois dure. Un parti s'affirme que Nan Goldin évoque avec insistance au cours de chacune de ses interviews : ne photographier que ceux qu'elle aime, que les êtres avec qui elle pourrait vivre. En 1977, elle expose avec David Armstrong à la Hudson Gallery de Boston.

Titulaire d'une licence en arts plastiques, Nan Goldin fait en 1978 un court séjour à Londres, où elle s'immerge dans la culture punk, alors que s'impose la tendance no future de groupes musicaux, tels que The Sex Pistols, Clash, Jam, ou Damned. De retour aux États-Unis, elle s'installe dans un loft du quartier de Bowery, à New York. Elle y retrouve quelques amis de Boston, notamment David Armstrong, Sharon Niesp et Cookie Mueller. Une « famille » se construit autour de Nan, constituée d'un noyau de jeunes gens vivant dans une atmosphère de sexualité libre et de consommation de drogues, douces et dures. La photographie reste à tout moment présente sans constituer un métier : pour vivre, Nan Goldin travaille comme serveuse au Maggie Smith's Tin Pan Alley, un bar de Times Square où se produisent à l'occasion de jeunes artistes encore inconnus. Dans ce bar, comme au Rafiks Underground Cinema ou au Mudd Club, elle organise, pour des amis qui s'y reconnaissent, des projections de ses diapositives sur une bande musicale, et finit par élaborer un diaporama, The Ballad of Sexual Dependency (La Ballade de la dépendance sexuelle), que festivals et expositions temporaires présentent dès 1983. Ce diaporama, qui emprunte son titre à une pièce de L'Opéra de quat'sous de Bertolt Brecht et de Kurt Weill, fait défiler des images inspirées par la vie de l'artiste – photographies de proches, autoportraits, moments de sexe ou de bonheurs simples. Sur un fond sonore varié, où la partition de Kurt Weill côtoie un morceau du groupe rock Creedence Clearwater Revival, des chansons de Charles Aznavour ou de Boris Vian, le montage montre aussi les traces de la violence, de la maladie et parfois de la mort, enchaînées en séquences. Sans cesse remaniée, The Ballad intégrera de nouvelles images en respectant strictement la durée de 45 minutes, avant d'être publié en 1986 dans le livre qui reprend le même titre.

À la faveur de sa cure de désintoxication à l'hôpital de Boston, en 1988, Nan Goldin note l'influence de la lumière du jour sur les couleurs et donne une inflexion plus formelle à son travail. De nombreuses expositions personnelles dans diverses galeries font connaître l'originalité et la force de son œuvre, dans laquelle le sida qui touche la communauté de ses amis, homosexuels ou non, occupe une part grandissante.

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Pour citer cet article

Hervé LE GOFF. GOLDIN NAN (1953- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par Hervé LE GOFF, Jean-Claude LEMAGNY
    • 10 750 mots
    • 21 médias
    ...œuvre à la fois sombre et sensible. Modèle de toute une génération de jeunes photographes, le travail essentiellement autobiographique de l'Américaine Nan Goldin occupe une place à part dans la photographie contemporaine. La constance du regard qui cerne parfois sa propre identité et sa vie privée a construit...

Voir aussi