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ANZU MYTHE D'

La pensée assyro-babylonienne a hérité de la tradition sumérienne l'idée qu'existaient encore dans le cosmos des forces de mal ou, du moins, de trouble qui en bouleversaient pendant un temps l'ordonnance, avant qu'un champion ne rétablisse l'état de choses précédent : le mythe d'Anzu raconte ainsi comment un héros divin, Ninurta, tua un oiseau maléfique pour faire régner à nouveau l'harmonie.

Anzu est le nom d'une sorte d'aigle dont on a cru retrouver l'image dans les fouilles d'El Obeid (sud de la Mésopotamie), malheureusement trop restaurée aujourd'hui pour avoir quelque valeur documentaire. On se le représentait aussi comme une nuée orageuse. Être divin, mais non dieu, il était, à l'origine, l'emblème du dieu guerrier Ninurta. Avec le temps, la mythologie mésopotamienne en élimina le caractère favorable pour n'y voir qu'une bête malfaisante. De sa lutte avec son ancien maître naquit le poème en babylonien qui, en dépit du titre qu'il reçut des modernes, est à la gloire de son adversaire. À cet égard, il appartenait à un cycle d'épopées chantant les exploits de Ninurta, dont peu de chose nous est parvenu. Deux versions en existent : l'une courte (trois cents vers environ), de Suse en Élam, d'origine ultime babylonienne ; l'autre longue (quatre cent cinquante vers environ), provenant d'Assyrie (~ viiie-~ viie s.).

La première tablette exalte d'abord le protagoniste, Ninurta, appelé fils premier d'Enlil. Lorsque le texte mutilé reprend, Enlil utilise Anzu comme messager ; mais, à trop fréquenter son maître, le Seigneur de la terre, l'oiseau désire se substituer à lui. Profitant du bain d'Enlil, qui a dû se dépouiller de tous ses attributs royaux et, partant, de son charisme, Anzu lui confisque la « tablette des destins », rendant caduques par ce geste toutes les fonctions divines. Puis il se réfugie dans son aire. Le désespoir et la stupeur règnent alors sur le monde des dieux. Sous la présidence de leur roi, Anu, ils se réunissent pour chercher un remède. Mais qui tuera la bête, jugée désormais invincible ? Adad, le dieu des eaux violentes, se dérobe ; après lui, le dieu-Feu et le dieu-Vent, malgré les promesses de gloire qui s'attacheraient à un tel exploit. L'assemblée cherche alors conseil auprès d'Enki, le dieu de la sagesse, lequel, grâce à l'appui de la déesse mère, fait appel à Ninurta. Ce dernier a pour lui ses alliés, les sept ouragans, et un arc aux flèches empoisonnées. Le heurt des deux protagonistes est terrible, mais la magie d'Anzu brise la violence de l'assaut : une formule criée par l'oiseau fait se retourner la flèche et disparaître l'arc. Enki, en apprenant l'échec, transmet de nouvelles instructions : épuiser la bête par la tempête et lui couper alors les ailes avec une épée ; il en perdra la parole d'émotion, donc la possibilité d'agir magiquement. Malgré sa crainte, Ninurta, toujours escorté des tourbillons, repart pour le combat.

Les textes continus s'arrêtent alors, mais il est hors de doute que la bataille tournait à l'avantage du champion des dieux. L'oiseau vaincu, tué et peut-être dépecé, le vainqueur recevait son prix : sa place à jamais dans la ville sainte de Nippur, aux côtés de son père ; Enlil retrouvait la « tablette des destins » et le monde son ordre.

— Daniel ARNAUD

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (section des sciences religieuses) Paris

Classification

Pour citer cet article

Daniel ARNAUD. ANZU MYTHE D' [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ASSYRO-BABYLONIENNE LITTÉRATURE

    • Écrit par René LABAT
    • 4 630 mots
    Le Mythe d'Anzou raconte, en trois longues tablettes, comment l'oiseau des tempêtes Anzou réussit à s'emparer de la toute-puissance que détenait son maître, le dieu Enlil. Il en emporta le symbole dans une montagne inaccessible, où plusieurs champions divins ne pourront même pas l'approcher....