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HANEKE MICHAEL (1942- )

Une impressionnante détermination marque chacun des films de l'Autrichien Michael Haneke. Elle se dégage du propos comme de la mise en scène, rigoureusement réfléchis, et fonde une expérience de spectateur jamais ordinaire, parfois déstabilisante. Il s'agit ici de lutter avec force contre un cinéma, majoritairement américain, qui n'invite qu'à la consommation d'images, hors de tout regard critique. Mais avec FunnyGames (1997) ou La Pianiste (2001), Michael Haneke a montré qu'il combattait aussi la séduction confortable d'un cinéma d'auteur produisant des objets culturels drapés dans une noblesse esthétique incontestable. L'important, pour lui, est de provoquer une prise de conscience. Aussi a-t-il toujours refusé de réduire sa démarche à un message, qui risquerait d'en fermer le sens. Il a cependant exprimé clairement, et assez pleinement, ce qui travaille ses films en déclarant en 2003 dans une interview pour la revue Repérages : « On ne peut pas vivre dans une société comme la nôtre sans être contre elle. »

Un cinéma dérangeant

Michael Haneke est né à Munich en 1942. Sa mère, actrice de théâtre, est allemande, mais il grandit en Autriche. Après des études de psychologie et de philosophie à Vienne, il fait ses débuts de metteur en scène au théâtre, puis à la télévision, où il signe plusieurs adaptations littéraires (la dernière sera Le Château, d'après Kafka, en 1997). Son premier film, Le Septième Continent (1988) décrit le processus d'autodestruction méthodique auquel se soumet une famille de bourgeois autrichiens. Leur suicide est moins une libération qu'une manière de suivre, jusqu'à s'y retrancher, la logique d'une société mortifère qui offre uniquement des choses à consommer, à user, à perdre (comme l'argent, qui finira dans les toilettes).

Un jeune garçon qui a filmé l'abattage d'un porc à la campagne répète l'expérience chez lui, avec une fille rencontrée dans la rue. Benny's vidéo (1992) emprunte un autre chemin pour parvenir à la même conclusion : un adolescent tue un camarade de jeu et tente de faire disparaître son corps avec l'aide de ses parents. La violence et le meurtre participent désormais de notre « culture » occidentale. L'Autriche est évidemment la première visée, notamment en raison de sa complicité avec le pouvoir des criminels nazis. Ce moment de l'histoire est la toile de fond secrète de tous les films de Haneke. Le Temps du loup (2003) présente ainsi les habitants d'un pays riche jetés sur les routes par une catastrophe jamais nommée. Le cinéaste dit avoir entrepris ce film à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Pris par la peur de manquer, de mourir, cette humanité est confrontée à sa propre inhumanité : « On comprend alors très vite, dit Haneke, que la croûte de civilisation qui nous entoure est très fragile ».

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Pour citer cet article

Frédéric STRAUSS. HANEKE MICHAEL (1942- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • AMOUR (M. Haneke)

    • Écrit par Michel CIEUTAT
    • 1 058 mots

    Onzième long-métrage de Michael Haneke réalisé pour le grand écran, Amour ne peut surprendre que ceux qui perçoivent d'abord ce cinéaste sous l'angle de la violence, du pessimisme ou de la froideur intellectuelle. En effet, ce film – qui montre un couple d'octogénaires, lié par une complicité tant...

  • CACHÉ (M. Haneke)

    • Écrit par Frédéric STRAUSS
    • 961 mots

    Des Autrichiens, ses compatriotes, Michael Haneke a souvent décrit une curieuse et désagréable manie. « On me demande toujours, quand je suis à l'étranger, pourquoi les écrivains et les cinéastes autrichiens sont si durs, si pessimistes et déprimants dans leur vision du monde. Mon idée est que les Autrichiens...

  • FUNNY GAMES U.S. (M. Haneke)

    • Écrit par Raphaël BASSAN
    • 1 120 mots

    Funny Games U.S. (2008) se présente comme une « copie » assez fidèle du film éponyme autrichien de 1997, réalisé par le même Michael Haneke. Pourtant, la période et le pays de l'action ayant changé, c'est un film différent qui en émerge concrètement. Si le cinéaste a cru nécessaire de revenir...

  • LA PIANISTE (M. Haneke)

    • Écrit par Frédéric STRAUSS
    • 969 mots

    Les trois prix décernés à La Pianiste par le jury du festival de Cannes, en mai 2001, ont salué un film et des acteurs impressionnants (Isabelle Huppert et Benoît Magimel), tout en consacrant une des révélations du cinéma européen des années 1990, l'Autrichien Michael Haneke. À l'œuvre...

  • LE RUBAN BLANC (M. Haneke)

    • Écrit par Pierre GRAS
    • 1 050 mots

    Splendeur du noir et blanc, puissance de l'évocation historique, dénonciation de la violence : trois qualités du Ruban blanc, le dixième long-métrage de Michael Haneke, palme d'or du festival de Cannes 2009. Le cinéaste autrichien, qui avait longtemps pris le parti de choquer par sa manière...

  • CINÉMA ET OPÉRA

    • Écrit par Jean-Christophe FERRARI
    • 3 248 mots
    • 7 médias
    Quant à Michael Haneke, c'est l'esthétique du film noir – son cynisme, sa perversion – qui semble avoir inspiré sa mise en scène de Don Giovanni (créée en 2006 pour le Palais-Garnier). Le personnage principal évoque une version ridicule de Marlon Brando, et Donna Anna a des airs de...

Voir aussi