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LOREAU MAX (1929-1990)

Max Loreau est mort peu après avoir achevé ce qui demeurera son œuvre philosophique majeure, La Genèse du phénomène (1989). Né à Bruxelles le 7 juin 1929, il choisit de démissionner de ses fonctions de professeur de philosophie moderne à l'Université libre de Bruxelles – où il avait fait des études de philologie classique avant de soutenir une thèse de doctorat en philosophie sur l'humanisme de la Renaissance – pour se consacrer entièrement à l'écriture, celle de quelqu'un qui a vécu en marge de la vie sociale et s'est tenu à l'écart des institutions et des groupes, bref, d'un homme de la parole vraie et donc, indissociablement, de la solitude et de l'amitié.

S'il est une question qui n'a cessé de hanter l'œuvre de Max Loreau, c'est d'abord celle de la gestation de la philosophie ; celle donc de la genèse, de l'origine et de ce que lui-même a appelé « la quête d'un autre commencement ». Il s'agit, précise-t-il, « de démêler ce qui se cache non pas seulement sous les concepts de phénomène et de logos, mais aussi et surtout entre eux ». Ce qui est ainsi remis en cause, c'est le « système du visible, du voir et du dire, le logos de la vision intellectuelle », tel qu'il a commencé à se mettre en place avec Platon, et tel que ni la révolution kantienne de la métaphysique ni même le tournant de l'histoire de l'être chez Heidegger n'ont réussi à s'en libérer. L'échec même de ce qui a constitué la remise en question la plus radicale de la tradition à l'intérieur d'elle-même oblige donc « à en finir avec la pensée négative, la réduction qui procède de l'étant vers l'être, et, corrélativement, à construire une pensée, une fiction de la genèse du phénomène, qui est d'un trait celle de la vue, de la lumière, du corps, du logos ». Ce qu'une telle perspective impose, à titre de condition préalable, c'est une libre relecture de la tradition dont La Genèse du phénomène marque précisément l'aboutissement.

Max Loreau, s'il n'est pas sans prédécesseurs, est tout sauf un disciple. La tâche d'une pensée qui tente de replonger au foyer de la métaphysique pour en délivrer les possibles par elle occultés, il la prend au mot et l'assume pleinement ; et il la reprend en poète, au sens originel du terme : l'homme de la mémoire de l'immémorial, celui qui porte au paraître, et donne ainsi à voir et entendre ce que nul autre avant lui, si grand fût-il, n'a su ou n'a pu encore voir et entendre, jusque dans les textes les plus rebattus de la tradition. Et c'est ce même don poétique qui le porte et qui ne cesse d'être à l'œuvre sur tous les autres chemins empruntés : celui de la poésie, au sens usuel bien sûr (Chants de perpétuelle venue, 1978 ; Florence portée aux nues, 1986) ; mais aussi lorsqu'il se tourne vers ses contemporains et amis peintres ou poètes (Alechinsky, Dotremont, Dubuffet, Deguy), dans sa collaboration précieuse au comité de rédaction de la revue Po&sie, ou encore dans le plus extrême déchirement de la maladie qui mine le corps, L'Épreuve (1989).

— Robert DAVREU

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Écrit par

  • : enseignant en littérature générale et comparée à l'université de Paris-VIII, poète et traducteur

Classification

Pour citer cet article

Robert DAVREU. LOREAU MAX (1929-1990) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BELGIQUE - Lettres françaises

    • Écrit par Marc QUAGHEBEUR, Robert VIVIER
    • 17 494 mots
    • 5 médias
    ...Maîtres et maisons de thé (1979) de Werner Lambersy, cérémonial et chant de maîtrise fondé sur le rituel japonais. C'est enfin la totalité du parcours littéraire et philosophique de Max Loreau qui débouchera en 1989 sur la publication d'une somme philosophique, La Genèse du phénomène.

Voir aussi