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LES FIANCÉS, Alessandro Manzoni Fiche de lecture

Une nouvelle approche de la littérature

À leur tour, Les Fiancés de 1827 et 1840 constituent deux expériences narratives différentes. Et pas seulement à cause de leur langue. Le roman de 1840 s'adjoint en effet l'Histoire de la colonne infâme, absente de l'édition de 1827. Une transformation que sous-tend la dimension idéologique plus marquée de la narration. De manière polémique, le roman confronte désormais à l'intérieur du texte l'approche classique du chroniqueur anonyme et celle, romantico-chrétienne, de l'auteur. Là où l'anonyme conçoit la littérature comme « monumentalisation », lutte contre le temps et l'oubli, l'auteur de l'Histoire de la colonne infâme veut que la littérature soit aussi la recherche de l'erreur qui se dissimule dans de tels monuments. Et l'Histoire de la colonne infâme est à la fois l'histoire d'un monument et d'une terrible erreur judiciaire qui vit, au nom de la raison d'État, des innocents, qu'on accusait d'avoir répandu la peste à Milan, être torturés puis suppliciés.

Cette nouvelle dimension idéologique du roman est également évidente dans les changements que connaît l'Innomé. Dans l'édition de 1827, le personnage est un bandit qui ne reconnaît au-dessus de lui aucune autorité politique. Dans l'édition de 1840, c'est un blasphémateur qui, cette fois, ne craint même plus le pouvoir de Dieu. La solitude où il vit dit assez la dimension titanesque du personnage : « Le château de l'Innomé était au-dessus d'une vallée étroite et morne, sur le sommet d'un puy qui fait saillie d'une âpre chaîne de montagnes, et dont on ne saurait dire au juste s'il s'y rattache, ou s'il en est séparé, par un chaos de rocs et de ravins, et par des replis de cavernes et de précipices, qui se prolongent de part et d'autre. [...] Du haut de sa forteresse, comme l'aigle de son aire sanglante, le farouche seigneur dominait à l'entour tout l'espace où pied d'homme pût se poser, et ne voyait jamais personne au-dessus de soi, ni plus haut. »

L'édition de 1840 se caractérise enfin par l'ajout d'illustrations dessinées par Gonin. À la narration écrite s'en ajoute une autre, visuelle. Au cours de ce travail, Manzoni guida constamment la main de l'artiste et prépara à son intention un véritable guide, en précisant les endroits où les vignettes devaient être insérées, leurs dimensions, et quels devaient être les vêtements et les postures des différents personnages.

— Salvatore Silvano NIGRO

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Pour citer cet article

Salvatore Silvano NIGRO. LES FIANCÉS, Alessandro Manzoni - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MANZONI ALESSANDRO (1785-1873)

    • Écrit par Lucienne PORTIER
    • 1 467 mots
    • 2 médias
    ...son Discours sur certains points de l'histoire des Longobards en Italie (Discorso sopra alcuni punti della storia longobardica in Italia, 1823). Dans un élargissement progressif de la matière humaine envisagée, son roman Les Fiancés. Histoire milanaise du XVIIe siècle (I Promessi Sposi. Storia...

Voir aussi