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JANÁCEK LEOS (1854-1928)

Jusqu'à l'âge de soixante-deux ans, Leoš Janáček resta méconnu, sinon inconnu, mais, le 26 mai 1916, le Théâtre national de Prague afficha Jeji Pastorkyna (Sa Belle-fille) un opéra refusé par ce même théâtre et le même directeur, Karel Kovarovič, treize ans plus tôt. Le compositeur avait travaillé neuf ans à cette œuvre (1894-1903) qui fut toutefois représentée à Brno en 1904, mais il s'était heurté de la part des milieux pragois à une incompréhension et à une hostilité certaines. On considérait cet « obscur » musicien morave comme un artiste de mérite, un pédagogue doué – dont l'importance ne dépassait pas le cadre local –, et un expert en matière de chanson populaire. Enfin, en 1916, son opéra, applaudi et loué, allait faire carrière sous le titre renouvelé de Jenůfa, du nom de son héroïne. Pendant treize ans, relate Max Brod, qui fut le grand propagandiste de Janáček, « ces Messieurs de Prague n'avaient pas cru devoir regarder cette œuvre qui “sentait sa province” ».

Une période créatrice s'ouvrait pour Janáček, favorisée non seulement par le succès de Jenůfa, mais également par l'indépendance nationale recouvrée à la suite du traité de Versailles, sans parler de l'amitié amoureuse que lui inspira jusqu'à sa mort une jeune femme, de trente ans sa cadette. Entre 1916 et 1928, Janáček devait composer la quasi-totalité de son œuvre.

Patience et effort créateurs

Le musicien naquit à Hukvaldy, village du nord de la Moravie, aux confins de la Silésie, de la Pologne et de la Slovaquie. C'est le pays Lach auquel Janáček restera attaché. Issu d'une modeste famille d'instituteurs dans laquelle la tradition musicale était solidement établie, il fut placé, pour des raisons économiques, au monastère des augustins de Brno où, moyennant la nourriture et l'habillement, il chanta au sein de la maîtrise. Il n'en fallait pas plus pour que, sous l'influence amicale et sévère de Pavel Krizkovsky, compositeur et maître de chœur, le jeune Janáček, travailleur, bouillant et obstiné, décidât de son orientation. La musique allait donc occuper sa vie, bien que, par tradition familiale, il se dirigeât vers l'école normale d'instituteurs comme élève, puis en tant que professeur jusqu'en 1903. Il épousa en 1881 la fille de son directeur.

Entre-temps, il réussit à fréquenter l'école d'organistes de Prague, y faisant en une année le programme de trois ans, et à suivre les cours des conservatoires de Leipzig et de Vienne. En 1881, il fonda à Brno une école d'organistes où l'on étudiait surtout la théorie et la composition, et qui devint, en 1919, le conservatoire de la ville.

Ses premières compositions furent des œuvres chorales qu'il exécuta à la tête de la chorale Svatopluk, dont il était le chef avant de devenir le directeur de la Société chorale Beseda. Janáček est alors le véritable animateur de la vie musicale de la capitale morave, où il fonde le premier orchestre, fait exécuter des œuvres aussi représentatives de la musique européenne que le Psaume XCIV de Mendelssohn, le Requiem de Mozart et la Missa solemnis de Beethoven ; ces activités sont à la fois pleines de fougue et de désintéressement ; il élargit le répertoire des concerts et crée une revue musicale, mais son audace effraye.

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Écrit par

  • : écrivain et musicologue, secrétaire général adjoint de l'Académie Charles-Cros

Classification

Pour citer cet article

Guy ERISMANN. JANÁCEK LEOS (1854-1928) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>De la maison des morts</em>, opéra de L. Janáček, mise en scène de Krzysztof Warlikowski - crédits : Jean Marc Zaorski/ Gamma-Rapho/ Getty Images

De la maison des morts, opéra de L. Janáček, mise en scène de Krzysztof Warlikowski

Autres références

  • JENUFA (L. Janáček)

    • Écrit par Timothée PICARD
    • 354 mots

    Jenůfa, le troisième opéra du compositeur tchèque Leoš Janáček, a beau avoir été et demeurer son œuvre lyrique la plus populaire, sa gestation fut difficile et sa fortune incertaine. Le compositeur, accaparé par ses divers engagements professionnels, affecté par la maladie puis la mort, en 1903,...

  • FIRKUŠNÝ RUDOLF (1912-1994)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 680 mots

    L'Amérique l'avait adopté comme l'un des représentants les plus authentiques du piano tchèque. Né à Napajedla, le 11 février 1912, Rudolf Firkušný fait ses études musicales à Brno, dans la classe de Růzena Kurzová au conservatoire (1920-1927) et à l'université. Parallèlement, il...

  • LIVRET, musique

    • Écrit par Jean-Michel BRÈQUE, Elizabeth GIULIANI, Jean-Paul HOLSTEIN, Danielle PORTE, Gilles de VAN
    • 10 855 mots
    ...la métrique et de la rime. Dans Fervaal (1897), Vincent d'Indy a recours au vers libre, et Gustave Charpentier, dans Louise (1900), à la prose. Janá̌cek se nourrit de travaux d'ethnologie musicale et linguistique, et inscrit sa démarche dans une volonté militante d'illustrer la langue tchèque :...
  • MACKERRAS CHARLES (1925-2010)

    • Écrit par Universalis
    • 718 mots

    L'Australien Charles Mackerras se fit le champion de Leoš Janáček en Occident et il est l'un des premiers chefs d'orchestre à avoir accompli un travail de musicologue et à présenter les œuvres dans des versions historiquement crédibles et informées, de même qu'il exigera très tôt...

  • NATIONALISME, musique

    • Écrit par Antoine GARRIGUES
    • 1 599 mots
    • 1 média
    ...d'une tradition imposée de l'extérieur. Ces peuples cherchaient, chacun à sa manière, à se dégager de l'emprise culturelle allemande et autrichienne. Des compositeurs comme Leoš Janáček (1854-1928) ou Béla Bartók (1881-1945) entreprirent de très longues recherches sur les musiques traditionnelles.
  • Afficher les 8 références

Voir aussi