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LE ROMAN INACHEVÉ, Louis Aragon Fiche de lecture

Louis Aragon en 1981 - crédits : william karel/ Sygma/ Getty Images

Louis Aragon en 1981

Le Roman inachevé de Louis Aragon (1897-1982) a été publié aux éditions Gallimard en novembre 1956. Autobiographique, ce « poème » (ainsi qu’il est sous-titré) marque chez l’auteur un retour à soi, à la tradition lyrique ainsi qu’à l’amour, au-delà des désillusions personnelles et politiques. Issu du mouvement dada et du surréalisme, devenu directeur du journal Les Lettres françaises en 1953, le romancier et poète adhère depuis 1927 au Parti communiste français, alors dirigé par Maurice Thorez. 1956 est une année de crise profonde : alors que les crimes de Staline ont été dénoncés par Khrouchtchev en février, quelques mois plus tard le soulèvement populaire de Budapest est écrasé par les chars soviétiques.

« Je chante pour passer le temps »

L’ambigüité malicieuse du titre et du sous-titre illustre le « mentir-vrai » de toute écriture de soi. Dans son sens médiéval, le « roman » désigne un récit en vers français contant des aventures. Ici, les trois suites de poèmes évoquent la vie passée de l’auteur déchiré entre l’amour et la guerre, tour à tour blâmant et louant les grands moments de son « roman » personnel, « inachevé » comme la symphonie de Schubert.

L’autobiographie poétique suit la structure narrative d’un roman. Le premier poème présente la complainte d’un « triste ténor », perdu dans le labyrinthe de sa vie et dont « l’ancienne image de [soi-même] » forme « un vers (...) comme un sanglot ». Après la retraversée des marécages intimes et historiques, le dernier poème chante l’amour d’Elsa Triolet (1896-1970), la femme aimée. Passant du « je » au « tu », la quête autobiographique et narcissique devient éthique, politique et amoureuse, conduisant « le vieil homme » de la guerre et du malheur à l’amour de l’autre et au bonheur. Les thèmes mêlent la romance intérieure à l’épopée collective : la jeunesse, la guerre 14-18, l’aventure surréaliste, les amours, la lutte communiste contre le fascisme, la rencontre rédemptrice d’Elsa sont chantées sur les registres tour à tour lyrique, élégiaque, satirique ou tragique.

De fait, sur le plan prosodique, le recueil se démarque des libertés surréalistes et use avec virtuosité de toutes les formes de la tradition lyrique : les longs poèmes déclinent tous les types de strophes (distiques, tercets, quatrains, quintils, sizains, huitains, etc.) en jouant sur l’anaphore, la rime et les rythmes. Le poète « change souvent de mètre pour dissiper l’amertume » : s’il emploie l’octosyllabe, le vers impair de sept syllabes et jusqu’à la prose ordinaire, il a le plus souvent recours à l’alexandrin ou au vers à seize syllabes, oratoire et lyrique.

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Écrit par

  • : professeur agrégé, docteur en littérature française, écrivain

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Pour citer cet article

Yves LECLAIR. LE ROMAN INACHEVÉ, Louis Aragon - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Louis Aragon en 1981 - crédits : william karel/ Sygma/ Getty Images

Louis Aragon en 1981

Autres références

  • ARAGON LOUIS (1897-1982)

    • Écrit par Daniel BOUGNOUX
    • 4 120 mots
    ...Staline (1953), le rapport Khrouchtchev et Budapest en 1956, « année terrible », précipiteront bien des désillusions dont l'écho se lit dans l'admirable Roman inachevé (1956), un recueil de poèmes scrupuleusement autobiographiques où la part accordée au « merveilleux printemps » du surréalisme redevient...

Voir aussi