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LE GAC JEAN (1936- )

Dès son enfance, à Tamaris, près d'Alès, sa ville natale, Jean Le Gac (né en 1936) — qui a porté jusqu'à sept ans le nom de son grand-père Jean Kyriakos — manifeste un don exceptionnel pour le dessin et la peinture, lui valant admiration et célébrité dans son école. Il obtient un diplôme de professeur de dessin et d'arts plastiques et enseigne à partir de 1958. Or, dans les années 1960, la peinture « craque » de toutes parts sous la mise en question fondamentale dont elle est l'objet. Jean Le Gac n'échappe pas à ce malaise et, en 1967, après quelques expositions, il abandonne l'idée d'être peintre. Il écrit alors vingt-six Cahiers, manuscrits qui seront présentés à la Documenta 5 de Kassel en 1972. En quête du vrai sujet de la peinture il traque, tel un reporter, le personnage qui se cache sous une pléthore de noms, parfois empruntés aux romans populaires (Florent Max, Ange Glacé, Ramon Nozaro, L... du Délassement du peintre) et qui finalement se nommera le Peintre.

La fiction, dans le style des romans d'aventures de Harry Dickson, et la référence autobiographique se mêlent dans des séries d'histoires racontées en images, photographies et dessins au pastel, associées à des textes courts ou longs, juxtaposés ou inclus, descriptifs ou narratifs. Cette œuvre s'apparente, comme le signale Bernard Marcadé, « aux jeux du texte et de l'image inaugurée par Magritte », et n'est pas étrangère au renouvellement littéraire qu'entreprennent parallèlement des auteurs comme Genette, Robbe-Grillet ou Borgès. « Le peintre, c'est moi », affirme Jean Le Gac, qui a mis en jeu son identité au profit de la peinture. Dans la série des Story Art (1986), la fiction s'enrichit d'une référence directe au cinématographe : un projecteur placé devant la toile devenue écran redouble la virtualité des images. Devant d'autres toiles, il place une machine à écrire ou un appareil photo, ou encore un écran de télévision pour introduire une distance supplémentaire entre l'artiste et son modèle : le peintre.

Pour créer ce monde d'images qu'il intègre à la peinture, Le Gac réalise des vidéos : dans son 25e Message présenté en 1995 à la galerie Templon à Paris, il a réuni les vingt-quatre messages produits sur bande vidéo sonore au cours des années 1970. Dans un autre film, In memoriam (1999), il imagine sa propre veillée mortuaire. Comme l'écrit Nathalie Roux, « il met en scène autour de la dépouille du Peintre certains peintres amis, des êtres chers qui soliloquent sur le Peintre, ses vies, mode d'emploi ». Entre Roussel et Magritte, Le Gac est décidément un « artiste » intercalaire, jouant des illustrations et de la littérature enfantine, notamment, pour mener à bien une œuvre construite sur le principe de la mise en abîme (Les Transfigurations, 1983, Prisonnière des pyramides, 1988, La Vie aquarellée, 1995, Les Herbiers, 1995).

À partir des années 2000, sur des feuilles de très grand format, Jean Le Gac dessine et peint en alternance des rayonnages de livres usés plus grands que nature et des illustrations qui pourraient être extraites de ces ouvrages aux titres inventés ou issus de la littérature. Son œuvre a fait l’objet de nombreuses expositions et rétrospectives, notamment au Musée national d’art moderne-Centre Georges-Pompidou à Paris (1978), à l’ARC-musée d’Art moderne de la Ville de Paris (1984) et au Centre d’art contemporain de Perpignan (2006).

— Servane ZANOTTI

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Pour citer cet article

Servane ZANOTTI. LE GAC JEAN (1936- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par Hervé LE GOFF, Jean-Claude LEMAGNY
    • 10 750 mots
    • 21 médias
    ...évoque la vie d'une petite bourgeoise imaginaire dont il fabrique les photos. Il est alors très proche du travail d'un Christian Boltanski ou d'un Jean Le Gac. Rétrospectivement, le journal intime photographique qu'est l'œuvre de Jacques-Henri Lartigue, à partir de 1902, prend de ce point de vue...

Voir aussi