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JEAN DE JANDUN (1280 env.-1328)

Maître ès arts à l'université de Paris, Jean de Jandun fut l'ami de Marsile de Padoue et participa à la lutte politique de Louis de Bavière contre les papes d'Avignon. Mais l'intérêt majeur qu'il présente est la manière radicale dont il a séparé, dans son enseignement, les vérités de foi des conclusions « rationnelles » de la physique et de la philosophie, identifiées à la lecture d'Aristote par Averroës.

Là où le commentateur arabe voyait une vérité unique saisie par deux voies (raison et imagination), Jean de Jandun, compatriote plus hardi de Siger de Brabant, rejoint les maîtres de Padoue pour abriter derrière un prudent fidéisme la critique indirecte du donné révélé. Il « expose », en effet, que, selon l'expérience et la raison, l'âme individuelle, forme du corps, meurt avec lui, que le monde est éternel, car rien n'est plus absurde qu'un être qui naîtrait sans une matière préexistante ; mais, tout cela longuement établi, Jandun déclare ensuite que, comme catholique, il croit fermement que l'âme immatérielle, subsistant après la mort, peut souffrir d'un feu corporel avant de rejoindre son corps ressuscité, et que Dieu au début (mais il y a si longtemps !) créa le monde du néant, ce qui ne peut se démontrer ni par des arguments rationnels ni par le témoignage des sens, faute d'observateurs qui aient pu rapporter ce miracle. Et, reprenant alors une phrase de saint Grégoire souvent critiquée par Abélard, il conclut qu'on a d'autant plus de mérite à croire ce qu'aucune raison ne peut prouver. Certes, Jean ne prétend point qu'il y ait « une double vérité », comme le lui reprochent ses adversaires ; mais la seule qu'il déclare professer est celle qu'il présente comme absurde, tandis que les opinions d'Aristote et de son commentateur arabe, refusées finalement au nom de la foi, sont « récitées » avec une évidente prédilection.

Dénoncé par Pétrarque dans le traité Sur ma propre ignorance et dans une lettre célèbre où il s'en prend à l'invasion des cyclopes (ceux qui ne voient que d'un œil !), le procédé sera réutilisé par tous les libertins ; et Voltaire le pratiquera encore. Mais ce qui est ici opposé à la foi comme une prétendue évidence de la raison n'est en réalité qu'un autre dogmatisme, celui d'une cosmologie, d'une physique et d'une psychologie qui vont faire obstacle à la science nouvelle, celui aussi d'une politique qu'il est difficile de qualifier de progressiste ou de démocratique.

— Maurice de GANDILLAC

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Maurice de GANDILLAC. JEAN DE JANDUN (1280 env.-1328) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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