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JOVINE FRANCESCO (1902-1950)

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Par une fidélité continuellement affirmée à son métier d'instituteur et par la correspondance exemplaire qui existe entre sa vie et son œuvre, Francesco Jovine occupe une place à part dans la littérature du milieu du siècle. Moins célèbre que son contemporain, l'Abruzzais Ignazio Silone, il a avec lui de grandes affinités : tous deux sont partis d'une expérience provinciale et ont donné une existence littéraire à des régions jusque-là mal connues.

Né à Guardialfiera, Jovine quitte à vingt-trois ans la Molise pour Rome où il résidera toute sa vie, à l'exception de trois années d'enseignement passées à Tunis puis au Caire. Résistant pendant la guerre, il collabore à différents journaux après la Libération et adhère en 1948 au Parti communiste italien. Il meurt à quarante-huit ans des suites d'une crise cardiaque.

Son parcours d'écrivain va se dérouler, sans véritable solution de continuité, des positions idéalistes crociennes à un engagement qui se traduira sur le plan littéraire par un effort accru dans la voie du réalisme. Chez lui, écrire répond à une exigence morale, raconter est indissociable d'une finalité éducative. Celle-ci n'est autre chose que la recherche d'une vérité qui se confond avec la réalité socio-économique de la Molise. Sous-développement, brigandage, luttes acharnées des paysans pour la terre, déracinement et malaise du petit bourgeois venu à la ville, rapport de l'intellectuel avec la société dont il est issu, voilà les interrogations qui ne cessent d'inspirer Jovine.

La publication de Un uomo provvisorio (1934) suscite les réserves du régime fasciste qui interdit la seconde édition du livre. Comme ses frères de fiction, les indifférents d'Alberto Moravia ou les personnages de C. Alvaro, prisonniers dans le labyrinthe de l'autocritique, l'homme provisoire, un jeune médecin devenu citadin, est aboulique et insatisfait, plongé dans d'incessantes élucubrations. De retour dans son village natal, des soins dispensés à un paysan lui permettront de retrouver un contact direct avec la réalité, et le sentiment d'être. L'opposition ville-province annonce un déplacement du protagoniste individuel vers la collectivité paysanne, qui sera de plus en plus sensible dans les œuvres successives. Ainsi dans les recueils de récits Ladro di galline (1940) et L'Impero in provincia (1945). Avec La Signora Ava (1942), Jovine reprend pour la Molise la perspective historique proposée par L. Pirandello et F. De Roberto, à savoir la pérennité des rapports socio-économiques malgré la fin de la domination des Bourbons et la naissance du nouvel État italien. C'est l'image négative et anti-épique du Risorgimento, celle que conforteront les écrits de Gramsci, publiés après la Libération.

Le Terre del Sacramento sort, posthume, en 1950. La polémique sur le néo-réalisme bat son plein. La guerre froide a raidi les antagonismes politiques. L'écho du jdanovisme résonne dans les discussions. Les terres du Saint-Sacrement, achetées lors de l'expropriation des biens de l'évêché et de ce fait maudites selon la superstition paysanne, représentent à la fois l'enjeu économique et le lieu de l'affranchissement idéologique. La construction narrative du livre, qui repose sur un double mouvement — décadence d'une famille et émergence de la conscience sociale des paysans —, la figure du héros positif, l'intellectuel gramscien organique des masses opprimées, l'opération linguistique qui simplifie la syntaxe, épure le vocabulaire tout en conservant des tournures du registre quotidien propres au parler local, répondent aux orientations esthétiques prônées par les intellectuels marxistes. La veine ironique qui colorait d'autres récits disparaît dans ce roman où la forte présence d'un narrateur omniscient imprègne la narration.[...]

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Pour citer cet article

Giuditta ISOTTI-ROSOWSKY. JOVINE FRANCESCO (1902-1950) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Autres références

  • ITALIE - Langue et littérature

    • Écrit par , , et
    • 28 412 mots
    • 20 médias
    ...d’inspiration gramscienne, autrement dit capable de s’adresser aussi à un lectorat populaire. Dans le filon proprement néoréaliste, on peut également inscrire Francesco Jovine (1902-1950), militant communiste attaché à représenter le monde paysan du sud de l’Italie et ses luttes contre les propriétaires terriens,...