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FERNAND LÉGER (exposition)

Une « belle machine » comme le Centre Georges-Pompidou était sans doute le cadre idéal d'une exposition consacrée au peintre Fernand Léger (1881-1955). C'est, du moins, ce qu'il ressortait de la rétrospective de son œuvre qui s'y est tenue du 19 mai au 29 septembre 1997, dont la scénographie confrontait sobrement les éléments mécaniques des tableaux aux structures architecturales du musée. Sans excès, cette mise en espace réactivait, comme le concevait l'artiste, un rapport de concurrence entre l'art et le monde moderne.

Isabelle Monod-Fontaine et Claude Laugier, les deux commissaires de l'exposition, situaient cette rétrospective dans la grande tradition des « leçons de peinture » que le musée a régulièrement proposées depuis vingt ans. La leçon, cette fois, portait sur une sélection restreinte d'une centaine de tableaux qui permettait aux organisateurs de dessiner la trajectoire d’une œuvre suivant un fil conducteur donné par neuf tableaux : les Nus dans la forêt (1909-1910) ; La Partie de cartes (1917) ; La Ville (1919) ; Le Grand Déjeuner (1921) ; la Composition à la main et aux chapeaux (1927) ; La Baigneuse (1931) ; la Composition aux deux perroquets (1935-1939), Les Constructeurs (1950) ; La Grande Parade (1954). Chaque ensemble de salles correspondant à ces grandes périodes était suivi par la présentation de quelques dessins préparatoires aux peintures. Poursuivant cette volonté de pénétrer dans l'intimité de l'œuvre, un espace central exposait encore quelques documents significatifs. Des photos des rues de Paris dans les années 1920 et 1930, des affiches publicitaires, des manuscrits de l'artiste, des dessins de costumes pour les Ballets suédois et des maquettes d'architecture évoquaient successivement l'environnement urbain, dont la peinture de Léger organisait le chaos, ainsi que les rapports du peintre avec d'autres arts. Globalement, la conception de l'exposition s'accordait à l'esthétique de Léger. D'emblée, en ouvrant la rétrospective sur les Nus dans la forêt, la sélection excluait les peintures du genre « baignades du soir postimpressionnistes » des années 1902-1908, comme les qualifia en son temps Apollinaire. Peu d'entre elles, il est vrai, ont survécu à la destruction opérée par Léger qui dirigea contre ses tentatives de jeunesse l'« arme offensive » que possède chaque artiste contre la tradition. Dès la première salle donc, le parti pris sélectif répondait à une double ambition de l'artiste : concevoir une peinture en adéquation avec la dynamique de son temps tout en élaborant un art classique, sans scorie, organisant picturalement le monde moderne de manière stable et durable.

L'enthousiasme de Léger pour le nouveau rythme moderne ne relève pas d'une fascination aveugle. En 1913, tandis qu'il visite le Salon de l'aviation avec Marcel Duchamp (les spécialistes semblent toutefois indécis sur la date exacte), ce dernier s'exclame : « C'est fini la peinture. Qui peut faire mieux que cette hélice ? Dis, tu peux faire ça ? » Or la peinture de Léger relève précisément ce défi. Dix ans plus tard, il écrit dans sa « Note sur l'élément mécanique » : « [Le peintre] est „concurrencé“ par l'objet utile qui est quelquefois beau. [...] Il faut faire aussi bien ou mieux ». Dès les années 1910, proche de l'esthétique des futuristes italiens notamment, sa peinture répercute et anticipe même l'accélération de son temps qui se précipite dans la Grande Guerre. En cela, la série des Contrastes de formes et de couleurs de 1913-1914 apparaissait nettement, malgré un choix d'œuvres limité, comme un moment originel et déterminant de son art. À cette époque, selon Christian Derouet – spécialiste de l'artiste et maître d'œuvre du catalogue de l'exposition[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Brown, Rhode Island (États-Unis)

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