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HIRSCH ÉTIENNE (1901-1994)

La France et l'Europe lui doivent beaucoup, mais elles le savent peu, tant Étienne Hirsch a traversé le siècle avec discrétion. Ce “grand commis”, pourtant, n'a guère manqué les rendez-vous de l'histoire, mais il répugnait à paraître. L'homme privé, aussi, savait cacher ses blessures : la mort en déportation de son père, de sa mère, de sa sœur et de quatre neveux ; celle, dans un accident de voiture, de sa femme et de son fils aîné.

Quand il sort de l'École des mines de Paris, Étienne Hirsch se destine à l'industrie. Repoussé par Saint-Gobain pour raisons raciales, il entre en 1924 comme ingénieur au laboratoire de recherche des Établissements Kuhlmann. Il fait carrière dans le groupe, se marie, a quatre enfants. Vient le 18 juin 1940. Étienne Hirsch entend l'appel lancé par de Gaulle à la radio et quitte tout, à trente-neuf ans. “Pour moi, confiera-t-il en 1988, il était inconcevable de renoncer à ce départ” (Ainsi va la vie, Centre de recherches européennes, Lausanne). Étienne Hirsch devient alors “Bernard”. Très vite, le général de Gaulle l'a remarqué et nommé directeur adjoint de l'armement des Forces françaises libres. Hirsch est à son côté à Londres, puis à Alger. Dans la ville blanche, il fait une rencontre essentielle pour le restant de sa vie. Il est présenté à Jean Monnet, le futur “père de l'Europe”.

Les deux hommes seront désormais inséparables. À leur retour à Paris, ils rédigent en 1945, avec Robert Marjolin, les Propositions au sujet du plan de modernisation et d'équipement. Le texte est remis le 4 décembre au général de Gaulle qui, dès le 3 janvier 1946, décide de créer par décret le Commissariat du plan. L'ancien ingénieur de l'industrie privée a trouvé sa voie. Sous la direction de Jean Monnet, il constitue les commissions de modernisation de la France. Félix Gaillard, Paul Delouvrier, Jean Vergeot, Libert Bou, Pierre Uri et Jean Ripert, équipe de départ, se retrouvent autour de lui et de Monnet, au dernier étage de l'hôtel particulier de la rue de Martignac, où est installé le Plan.

Mais Jean Monnet voit au-delà de l'Hexagone. Dès 1943, il avait eu l'idée de ce qui allait être la grande entreprise de sa vie : l'Europe. Tout naturellement, Étienne Hirsch et Pierre Uri s'associent à cette idée un peu folle alors que la guerre est loin d'être achevée. Ensemble ils s'attellent à la construction de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) et rédigent le texte fondateur qui sera soumis par Robert Schuman en 1950 au Conseil des ministres. En 1951, la CECA s'installe à Luxembourg, avec Jean Monnet pour premier président. La place est donc libre rue de Martignac. Monnet offre à son adjoint de lui succéder. Les IIe et IIIe plans seront signés Hirsch, commissaire général de 1952 à 1959.

Démocrate de gauche, Étienne Hirsch ne goûte guère le retour au pouvoir du général de Gaulle pour lequel il avait pourtant abandonné métier et famille dix-huit ans plus tôt. Pour lui, il s'agit d'une sorte de coup d'État qu'il ne peut accepter, allant jusqu'à participer, le 28 mai 1958, au grand défilé de la Nation à la République avec les syndicats et les partis d'opposition. Puis, à l'initiative de Stéphane Hessel, il crée avec Daniel Cordier le Club Jean-Moulin.

Mais, à nouveau, Jean Monnet va intervenir dans la carrière d'Étienne Hirsch. Louis Armand, président d'Euratom, la Communauté européenne de l'énergie atomique instituée en 1957, tombe malade et ne peut plus exercer ses fonctions. Monnet obtient du gouvernement qu'il nomme Hirsch à Bruxelles. Celui-ci prend très à cœur sa nouvelle tâche, qui n'est pas facile. Le Commissariat français à l'énergie atomique (CEA) refuse d'appliquer les mesures de contrôle de sécurité sur les matières fissiles[...]

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Florence MURACCIOLE. HIRSCH ÉTIENNE (1901-1994) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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